En multipliant une longueur par une largeur, puis par une hauteur, on se retrouve avec un volume, exprimé en m3. C’est du moins ce que nous avons tous appris à l’école. A priori, rien de plus facile, donc, que de calculer le volume d’une maison. Pas si simple! Comment faire, en effet, lorsque les angles ne sont pas droits ou que le plafond n’est pas horizontal? Et dans quelle mesure prendre les corniches, les avant-toits ou encore les terrasses en considération?
En fait, le calcul volumétrique d’un bâtiment est extrêmement compliqué. Or, il a des conséquences financières insoupçonnables. Il sert en effet très souvent de base pour l’estimation fiscale d’un bâtiment. Il joue donc un rôle prépondérant dans le calcul de l’impôt foncier (lire l’encadré ci-contre), mais aussi – partiellement – dans celui de l’impôt sur la fortune, voire, dans certaines communes, dans le calcul des taxes pour les eaux usées, pour la consommation d’eau potable ou même pour le déblaiement des ordures ménagères!
Grosses différences
Voilà sept ans, le canton de Vaud s’est lancé dans une révision des estimations fiscales des immeubles. 160000 propriétaires l’ont plus ou moins douloureusement senti passer. Parmi eux, un géomètre d’Ollon, Gilles Blatt. Le volume de son chalet, à Rougemont, avait été déterminé par la commission fiscale à 1353 m3. Or, ses propres calculs, faits dans les règles de l’art à l’aide de moyens professionnels, arrivaient à un autre résultat, inférieur de 15,6%. A 600 fr. le m3, cela représentait une trop-value fiscale de 90000 fr. Ce qui équivaut, toujours selon ses calculs, à une diminution d’impôts et autres taxes communales approchant les 1000 fr. par an! Du coup, le géomètre répète ses contrôles chez d’autres propriétaires et repère à nouveau des différences étonnantes, allant jusqu’à 70%!
Le rôle de l’ECA
En fait, la plupart des communes vaudoises renoncent à prendre leur propres mesures pour l’estimation fiscale d’une maison et se contentent de celles que l’ECA (Etablissement cantonal d’assurance contre l’incendie) peut leur transmettre. Or, ni l’ECA, qui propose des primes très basses, ni ses assurés, qui ne désirent pas qu’elles augmentent, n’ont besoin d’une précision coûteuse. Selon Philippe Christen, chef du service de l’assurance à l’ECA, ses estimations reviennent à 300 fr. Celles de l’ORCEF (*), nettement plus perfectionnées, la société que Gilles Blatt a récemment fondée en vue de répondre à des demandes privées de vérification, varient entre 800 et 1500 fr.
Là où le bât blesse, c’est lorsque ces mêmes mensurations servent par exemple à une estimation fiscale. Et cela, M. Christen le regrette, mais ne peut s’y opposer... Faut-il dès lors absolument demander une vérification? Certainement pas! Certes, la loi vaudoise autorise n’importe quel propriétaire a demander une révision de l’estimation fiscale de son immeuble en cas de doute. Certes aussi, l’ECA a récemment accepté les calculs de M. Blatt et a décidé de rembourser rétroactivement les primes encaissées en trop aux assurés qui avaient dénoncé une différence volumétrique dépassant 10%. Mais il n’est pas dit que l’Etat en fera de même. Le géomètre est d’ailleurs catégorique: «Si les calculs ont été faits sur plans ou si le bâtiment est récent, l’erreur est plus rare. Si l’immeuble est ancien, je peux aussi, grâce à une série d’indices, dire d’entrée si une vérification semble nécessaire ou non. Ensuite, ce sont bien sûr les instruments qui décident ...»
Et encore, si ces mêmes instruments décelaient une différence conséquente, Olivier Dind, inspecteur du registre foncier, avertit: «Avant de demander une baisse de l’estimation fiscale d’un immeuble, il faut être sûr de ne pas vouloir s’en séparer dans les cinq ans à venir. Car en tel cas, il faudra payer 17% d’impôts sur la différence entre le prix de vente et l’estimation fiscale!»
Christian Chevrolet
(*) Les Combes, 1870 Ollon
( (026) 495 51 81/2
MÉTHODE DE CALCUL
Erreur cumulée
L’impôt foncier est obligatoirement perçu dans les cantons de Berne, Genève, Jura et Valais, facultativement dans ceux de Fribourg, Neuchâtel et Vaud.
L’estimation fiscale dépend de la valeur de rendement ou/et de la valeur vénale, que chacun calcule avec sa propre méthode. Dans le cas vaudois qui nous intéresse, elle correspond à une moyenne arithmétique entre la valeur vénale de l’immeuble et sa valeur de rendement. La valeur vénale correspond à la valeur à neuf, pondérée par l’âge de la construction, à laquelle on ajoute le prix du terrain. Or, la valeur à neuf dépend directement du volume du bâtiment. La valeur de rendement est, quant à elle, déterminée par la surface habitable et le prix unitaire au m2.
Les mensurations interviennent deux fois: s’il y a une erreur, elle va donc se cumuler.