Il est des questions auxquelles on répond par d’autres questions. Ainsi, lorsqu’on demande à Bernard Vaudaux, pédiatre allopathe à Lausanne: «Faut-il vacciner ou pas?» il rétorque: «Faut-il être malade ou pas?» Et il poursuit: «Je pense que ceux qui s’opposent à la vaccination de maladies devenues rares n’ont pas conscience que ces mêmes maladies reviendront si l’on cesse de vacciner avant que leur germe n’ait été définitivement éradiqué.» Le vaccin n’est donc pas qu’une affaire personnelle, mais celle de toute une population.
Nicole Aiassa, médecin généraliste homéopathe, est nettement plus nuancée. D’abord parce qu’elle peut comparer. Dans son cabinet vaudois, elle reçoit en effet aussi bien des parents qui font régulièrement vacciner leurs enfants que d’autres qui limitent la vaccination, ainsi que l’usage fréquent des antibiotiques. Or, elle est formelle: «La deuxième catégorie se porte mieux.» Elle préconise les vaccinations de base, c’est-à-dire contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite ainsi que la coqueluche dans certains cas. Ces vaccinations doivent avoir lieu si possible à partir du 7e mois, en «drainant» après chaque injection. Drainer signifiant, pour les homéopathes, éviter les blocages énergétiques qu’une substance étrangère peut provoquer dans un organisme sensible.
Mais, comme tous les médecins qui piquent peu, elle s’insurge contre le nombre de vaccins infligés à l’âge précoce. Ainsi, un enfant de 18 mois va subir 23 stimulations immunitaires, vaccins multiples et rappels compris. Or, les homéopathes considèrent que les substances injectées influencent le système immunitaire de l’enfant avec, comme éventuelle conséquence, une augmentation des allergies.
Raisonnement inverse pour les médecins qui vaccinent selon le programme recommandé: ils le font pour que l’enfant soit immunisé avant l’âge où il est exposé à la maladie. Selon eux, le système immunitaire est exercé de la même façon par le vaccin, mais sans le risque de la maladie.
Quant au lien avec la fréquence des allergies: «C’est un argument théorique, explique le Dr Vaudaux. Il est vrai qu’en vaccinant, on stimule une partie du système immunitaire, qui est souvent la même que celle qui est stimulée par les allergies. Mais il n’a jamais été démontré qu’il existe une relation directe pour autant.»
«Faire sa rougeole»
En fait, la divergence de vue est plus fondamentale que technique. Les homéopathes pensent qu’il est bénéfique de «faire» les maladies infantiles: la rougeole, les oreillons, la rubéole, la coqueluche et la varicelle. Des maladies, sauf exception, bénignes. «Certaines études établissent même un rapport entre des maladies d’enfance «mal sorties» ou pas faites, et la fréquence de certaines maladies dégénératives chez l’adulte», commente la Dresse Aiassa.
Discours que ne peut partager le Dr Vaudaux, à l’instar de nombreux allopathes. D’abord, il estime que la coqueluche n’est pas bénigne. Ensuite, il n’aime guère que l’on associe maladie d’enfant à petite maladie. Il estime enfin que ne pas vacciner dans l’espoir de sortir de l’enfance sans attraper les maladies inhérentes est un faux calcul. Dr Vaudaux: «Si on attrape la rougeole – et dans une moindre mesure les oreillons et la rubéole – à l’âge adulte, c’est beaucoup plus grave.»
A quoi la Dresse Aiassa, comme de nombreux homéopathes bien sûr, rétorque qu’elle ne comprend pas pourquoi vacciner les filles contre les oreillons, puisque les complications peuvent être dangereuses pour les garçons. Ni les garçons contre la rubéole, considérée dangereuse pour le fœtus de la femme enceinte. En fait, elle désirerait que tout se fasse de façon circonstanciée et en temps voulu: «Pourquoi, par exemple, vacciner une fille, bébé, contre la rubéole au lieu de le faire à l’âge adulte, avant d’envisager de fonder une famille?»
Floriane Marquis
droit cantonal
Ce qui est obligatoire
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) publie des recommandations à l’intention des administrations cantonales. Mais le droit d’imposer des vaccinations relève des cantons. Ce qui explique la diversité des règlements:
• aucune obligation dans les cantons de Berne, du Jura, du Valais et de Vaud;
• obligation de vacciner contre la diphtérie avant la scolarité dans les cantons de Genève et Neuchâtel;
• obligation de vacciner contre la diphtérie et le tétanos entre 3 et 24 mois, ainsi que contre la coqueluche, sauf opposition des parents à Fribourg.