Quoi de plus tentant qu’une jolie paire de chaussures, une belle montre ou un vêtement bien exposés dans une vitrine? Mais lorsque le prix n’est pas affiché, on hésite: c’est sûrement beaucoup trop cher. Ce que beaucoup d’amateurs de lèche-vitrines ignorent, c’est que les commerçants ne mentionnant pas les tarifs font non seulement preuve de snobisme – pour un certain nombre – mais également de non-respect de la loi. Car l’ordonnace sur l’indication des prix les oblige à indiquer les prix de manière visible et lisible, en francs suisses et TVA comprise (amende encourue: jusqu’à 20 000 francs).
Pour des raisons de sécurité, les magasins vendant bijoux, fourrures, antiquités et objets d’art valant plus de 5000 fr. sont, eux, exempts de cette obligation. Toutefois, ils doivent disposer d’une liste des prix ou les afficher visiblement à l’intérieur.
Comme l’a montré un pointage, non exhaustif, dans quelques villes, certains commerçants se moquent tout simplement de cette loi. A Genève, la chronométrie Clarence affiche quelques prix, dont la plupart au-dessous de 1000 fr. Seule exception: une montre à 6900 fr. «Nous le faisons pour des raisons esthétiques, explique le propriétaire, Roger Rappaport. Nous avons effectivement, à l’époque, eu quelques contrôles
qui nous ont signalé cette obligation, mais sans se formaliser du fait que nous ne donnions pas suite. Il n’y a pas une boutique à Genève qui joue le jeu au-delà de 1000 à 1500 francs: avec ce qui se passe aujourd’hui, ce serait presque de la provocation.» Pourtant, à 300 mètres de là, la bijouterie Gübelin affiche tous ses prix, même celui d’une parure de diamants valant 50 000 francs!
A Lausanne, chez Jean Rodin (chaussures), la vendeuse avoue aimablement n’avoir pas encore eu le temps d’afficher les prix: «Nous le faisons toujours. D’ailleurs, les clients entrent plus facilement si les prix sont indiqués.» Autre ton à la boutique de mode féminine Ady Fischer: «Nous n’avons pas besoin d’afficher nos prix, car nous avons des croquis des vêtements avec
les tarifs pour nos clientes à l’intérieur.»
Bonne excuse? Pas du tout. Reste que ce commerce, comme beaucoup d’autres, va probablement pouvoir continuer à ignorer la loi impunément. Car la police du commerce du canton de Vaud s’avoue démunie: «Nous sommes l’autorité de dénonciation, mais c’est à la police communale d’établir un rapport en cas de non-respect des dispositions en vigueur, explique la chef, Anne-Lise Moullet. Mais nous ne recevons pas de rapports de police à ce sujet. Pourtant, un grand nombre de commerces contrevient à la loi. D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnace sur les liquidations (réd. permettant de solder toute l’année), les gens pensent pouvoir faire n’importe quoi. Et nous ne pouvons les informer que par des actions de sensibilisation sporadiques, comme par exemple lors du dernier Comptoir, où nous avons vérifié que tous les articles portaient un prix.»
Au consommateur de jouer
Même situation outre-Sarine: à Berne, la propriétaire de la parfumerie Schütz a ainsi «autre chose à faire» qu’indiquer les prix. Et à Zurich, chez le célèbre confiseur Sprüngli, Milan Prenosil, directeur du marketing, invoque «des raisons d’esthétique». Quant au responsable du service de contrôle des prix, Martin Mullis, il ne dispose que d’un seul policier pour toute la ville...
Enfin, à Neuchâtel, au salon de coiffure Hair, la coiffeuse explique: «Je ne vois pas la nécessité d’indiquer les prix dans la vitrine. Les gens intéressés entrent et nous pouvons ainsi les renseigner sur les produits. Les prix sont partout les mêmes.»
Or, l’obligation d’afficher les prix sert justement à pouvoir les comparer. Alors, si un magasin ne la respecte pas, évitez-le au lieu de vous donner la peine de vous renseigner à l’intérieur.
OBLIGATIONS LéGALES
Commerces concernés
Certains prestataires de service doivent afficher leurs tarifs de manière visible et lisible à l’intérieur de leur commerce ou disposer d’une liste de prix.
• Les coiffeurs et instituts de beauté
• Les restaurants et hôtels
• Les garages, taxis, et loueurs de voiture
• Les centres sportifs (piscines, patinoires, etc.)
• Les blanchisseries, commerces de nettoyage chimique
• Les parkings publics
• Les magasins de photo (développements, copies, agrandissements)
• Les établissements de loisirs (cinémas, théâtres, dancings, musées, foires, manifestations sportives et concerts).