L’automne s’installe. Les soirées fraîchissent, mais les régies rechignent parfois à chauffer les appartements avant novembre. Et les frileux maugréent: le soir tombé, faut-il se résigner à un petit 17° au logis? Difficile, surtout si l’on est octogénaire et amateur d’interminables parties de Scrabble. Après tout, chacun a le droit d’avoir chaud!
Pas un droit
Vraiment? Non. Le droit du bail ne reconnaît pas un droit à avoir chaud, mais – nuance – un droit à être chauffé. Le Code des obligations se borne en effet à stipuler que le bailleur met à disposition du locataire un logement «dans un état approprié à l’usage pour lequel il a été loué», ce qui, pour la jurisprudence, signifie entre autres que l’on peut y vivre sans s’emmitoufler comme un esquimau. Un logement pas chauffé, ou insuffisamment, est donc entaché d’un défaut, auquel le bailleur est tenu de remédier à ses frais. Voilà pour le principe. Mais le CO se garde de dire à partir de quelle température la froidure devient un défaut.
Désespérément en quête de mesures objectives, les tribunaux se sont penchés sur le problème et ont fixé la limite à 18°… tout en admettant que la température ne devient «confortable» qu’à 20°. «Mais aucun juge n’admettrait la requête d’un locataire un peu frileux dont l’appartement serait chauffé à 19°», précise André Guex, secrétaire itinérant de l’ASLOCA. Et peu importe la saison: 18° minimum, été comme hiver.
Et automne. Donc, même en octobre, le locataire d’un appartement où le mercure indiquerait 17° est en droit de demander à son bailleur qu’il enclenche le chauffage.
Pour ce faire, il empruntera la procédure classique en cas de défaut: aviser le bailleur, lui demander la remise en état en le menaçant de consigner le loyer en cas d’inexécution dans un délai raisonnable, au terme duquel le locataire transi est en droit de le faire, et de porter le cas devant la Commission de conciliation.
Chère objectivité
Bien sûr, il lui incombe de prouver le défaut, donc la basse température… Soit par le témoignage d’un tiers, soit par une mesure objective. Mais attention, un Polaroïd flou du thermomètre accroché au mur du salon ne suffit pas: les tribunaux exigeront le tracé d’un thermo-hygromètre à ruban, appareil hors de prix que le locataire cherchera en vain au rayon électroménager de son supermarché habituel.
La principale difficulté de la démarche, toutefois, se situe ailleurs: suivie pas à pas, cette procédure prend du temps. Elle sera sans doute efficace pour inciter un bailleur négligent à réparer un chauffage en panne en plein mois de janvier.
En automne, en revanche, elle sera de peu d’effet s’il s’agit de gagner une, deux, voire trois semaines d’avance sur les frimas. Et les premiers flocons surprendront le malheureux locataire en train de rédiger une énième lettre recommandée à la gérance, alors que celle-ci, consultant le calendrier, ordonne l’allumage de la chaudière.
«Mieux vaut sortir pulls et chaussettes en laine», convient André Guex. L’usage parcimonieux d’un chauffage électrique d’appoint peut aussi faire l’affaire: l’appareil n’est pas aussi gourmand en énergie qu’on le croit (rapporté sur une année, son emploi grève nettement moins votre budget qu’une télé, ou que la lumière à la maison). En revanche, allumer le four et ouvrir la porte de la cuisinière fera bel et bien exploser le compteur. Et mettre le feu à son contrat de bail, tout compte fait, n’est pas une si bonne idée.
Blaise Guignard
défense des locataires
Comprendre le droit du bail
Si la loi rechigne à reconnaître un droit au chaud, elle en dit plus sur les autres aspects du chauffage à la maison. Mais le droit du bail n’est pas toujours facile à comprendre.
Dernier en date des Dossiers de Bon à Savoir, le Guide pratique du locataire décortique dans un style sim-
ple et précis les difficultés du droit du bail. Un ouvrage indispensable, rédigé par les spécialistes de l’ASLOCA et du Service juridique de Bon à Savoir (bulletin de commande en page 9).