Ce que le Groupement vaudois des opticiens avait lancé comme une simple campagne de dépistage a révélé un constat aussi inquiétant qu’inattendu: de nombreux automobilistes prennent la route avec une vue médiocre.
Eric Cornaro, opticien et initiateur du «Visiobus», nous a raconté sa première année de campagne. Equipé pour effectuer les tests d’acuité visuelle, le bus de dépistage a visité douze villages comptant environ mille habitants, éloignés des centres urbains et ne disposant pas d’un opticien. «En tout, j’ai contrôlé la vue d’à peu près cinq cents volontaires, raconte Eric Cornaro. Au final, il s’est avéré que deux personnes sur trois vivaient avec une vue mal corrigée, soit parce qu’elles n’ont jamais porté de lunettes, soit parce que celles-ci ne sont plus adaptées.»
Les jeunes aussi
Pire encore, dans chaque village, l’opticien a rencontré deux ou trois automobilistes dont l’acuité visuelle ne dépassait pas 0.1 (ces personnes ne pourraient donc pas distinguer l’ouverture du grand cercle ci-contre, placé à 4 m). Pour les myopes, cela correspond à une dioptrie d’à peine –3.00. Or, la législation fédérale sur la circulation routière exige qu’un œil au moins ait une acuité de 0.6 et le second de 0.1 (test en page 7). Et, qui plus est, le constat d’Eric Cornaro ne porte que sur des personnes qui se sont volontairement pliées au test de vue…
L’Association suisse de l’optique (ASO) indique de son côté que 20% à 30% des conducteurs ne voient pas assez bien. Si ce chiffre paraît énorme, le phénomène n’a pourtant rien d’étonnant. En effet, une fois le permis de conduire passé, le contrôle obligatoire suivant n’a lieu qu’à l’âge de 70 ans. Entre-temps, on compte sur la seule responsabilité des automobilistes.
Sauf que, généralement, la vision baisse progressivement et qu’on s’y adapte au fur et à mesure, sans s’en rendre compte. Les personnes âgées ne sont donc pas les seules concernées! A 20 ans, on peut en effet perdre son acuité visuelle très rapidement. Et c’est souvent en utilisant un ordinateur ou encore en regardant le Teletext qu’on s’aperçoit du trouble.
Contrôles réguliers
Même si aucune mention de lunettes n’a été inscrite lors de l’obtention du permis de conduire, cela ne veut pas dire qu’on est à l’abri jusqu’à 70 ans. En effet, «nul n’est censé ignorer la loi», ce qui implique que tout le monde devrait savoir qu’une bonne vue n’est pas nécessaire seulement le jour
de l’examen de conduite, mais tout au long de sa vie.
L’ASO recommande donc aux conducteurs de faire les contrôles suivants:
> jusqu’à 40 ans: tous les 10 ans;
> de 40 à 60 ans: tous les 5 ans;
> de 60 à 70 ans: tous les 2 ans;
> dès 70 ans: tous les ans.
De nombreux accidents, dus à une mauvaise acuité visuelle, pourraient ainsi être facilement évités. En outre, et pour convaincre les plus téméraires, il faut savoir qu’en cas d’accident, le fait de conduire avec une vue réduite peut constituer une faute grave. L’assurance peut donc se retourner contre l’automobiliste et refuser de couvrir les dommages!
Yves-Alain Cornu
mode d’emploi
Testez votre acuité visuelle
Pour pouvoir conduire, il faut qu’un œil au moins ait une acuité de 0.6. Et l’autre devrait atteindre 0.1 .
Grâce aux «anneaux de Landolt» (ci-dessous), vérifiez si vous êtes dans cette norme (avec vos lunettes si vous en portez): accrochez cette page à hauteur des yeux, à la lumière du jour, et reculez de 4 m. Cachez un œil d’une main. Pouvez-vous distinguer le sens de l’ouverture des anneaux sur la 4e ligne (0.6)? Faites de même avec l’autre œil, puis, à la fin, avec les deux yeux.
Si vous ne distinguez pas l’ouverture des anneaux, ne tardez pas à consulter un spécialiste.
Autre astuce: vous devriez pouvoir déchiffrer la plaque d’une voiture située à une distance représentant sept longueurs de voiture (dans un parking, par exemple).