«Le plastique, c’est fantastique», chantait Elmer Food Beat dans son tube grivois des années 90. Aujourd’hui, nul doute que les consommateurs fredonneraient plus volontiers Le plastique, c’est diabolique pour pester contre cette matière qui gonfle démesurément leurs poubelles. C’est d’autant plus vrai avec la généralisation progressive de la taxe au sac.
Film protecteur par ci, barquette par là, le plastique est omniprésent. Les commerces sont-ils prêts à délester leurs clients de cette montagne de détritus qui les encombre? C’est ce que nous avons voulu savoir en menant l’enquête avec nos confrères de l’émission On en parle (RTS, La Première). Incognito, nous avons mis à l’épreuve les principales enseignes de la grande distribution et de l’électronique (lire encadré «En détail»).
Sans surprise, tous les commerces ont accepté de reprendre l’emballage d’un petit objet au moment du passage à la caisse. Les magasins d’électronique nous ont également répondu unanimement qu’on pouvait leur rapporter le carton complet du grand écran TV acheté quelques jours plus tôt. Le lendemain, les choses ont commencé à se corser lorsque nous avons tenté de ramener tous les déchets d’articles achetés dans les supermarchés. Car, entre la réalité du terrain et les déclarations officielles, il y a parfois un fossé de taille.
C’est le cas de Coop qui nous a déclaré reprendre tous les emballages des produits qui proviennent de ses étals. Une politique prétendue nationale qui ne s’est pas vérifiée sur le terrain: «Le plastique? Nous ne récupérons que le PET et les bouteilles de lait», nous a objecté l’employée d’un supermarché lausannois. Et de nous laisser repartir avec nos déchets sous le bras…
Chez Migros, nos enquêteurs ont essuyé le même refus net à Lausanne. A la différence de Coop, le géant orange n’émet aucune directive nationale. D’où une disparité entre les coopératives régionales: Migros Vaud dit réfléchir à la mise en place de conteneurs pour le carton et le plastique notamment. Migros Neuchâtel-Fribourg ainsi que Genève n’acceptent pas le retour des emballages après coup. En Valais, aucune décision formelle n’a été prise à ce jour. Le troisième commerce qui a refusé tout net de nous soulager de nos détritus appartenait à Aldi. Attitude qui reflète la position claire d’Aldi Suisse: «Nos succursales ne disposent pas de zone de récupération des déchets. La logistique pour les trier serait trop compliquée», communique sa porte-parole, Corinne Bersier.
Notre enquête a pris une autre tournure dans les enseignes de Manor, Lidl et Denner qui ont toutes accepté le retour des emballages. Chez Manor, la collaboratrice a néanmoins souligné le caractère exceptionnel de son geste. «Cela dépend des infrastructures propres à chaque magasin», confirme son porte-parole, Alexandre Barras. Si Denner dit jouer le jeu dans toute la Suisse, le meilleur élève du lot reste Lidl. Le hard discounter est le seul distributeur à disposer de stations de tri (plastique et papier/carton) devant tous ses supermarchés! Mais ses concurrents pourraient bien être contraints de s’y mettre aussi (lire encadré «Eclairage»).
ÉCLAIRAGE
Le recyclage du plastique en vue
La preuve par Lidl, la mise en place de collecteurs (plastique, carton, etc.) dans les magasins est réalisable. Nous avons donc demandé aux autres enseignes si elles entendaient développer également le recyclage sur leurs points de vente. Niet. Si ce n’est Migros qui va faire un premier pas en promettant de récupérer les plastiques durs d’ici à la fin de l’année.
La frilosité des distributeurs pourrait bien être contrariée par les plans de la Confédération. Car, comme le révélait la NZZ am Sonntag du 31 mars, le Conseil fédéral entend proposer un projet de loi qui contraindrait le commerce de détail à récupérer le plastique.
Cette mesure permettrait ainsi d’améliorer le recyclage d’une matière qui représente environ 15% des déchets totaux en Suisse. Et, en plaçant les distributeurs au centre de ce processus, la Confédération entend les inciter à réduire le suremballage de leurs produits, tout en offrant un système de collecte efficace aux consommateurs.
Comme c’est déjà le cas pour le PET et l’alu, une taxe serait comprise dans le prix des articles pour financer le recyclage. Pour l’heure, la Communauté d’intérêt du commerce de détail a déjà manifesté ses réticences.
Affaire à suivre…
EN DÉTAIL
Déroulement de l’enquête
Introduction récente de la taxe au sac oblige, c’est dans le canton de Vaud que nous avons mené notre enquête. Mais, pour obtenir une radiographie de l’ensemble de la Suisse romande, nous avons ensuite enjoint les enseignes à nous communiquer leur position officielle.
Dans les supermarchés
> Dans une succursale vaudoise de chaque grande surface, nous avons acheté une bouteille de lait en plastique, un paquet de flûtes au beurre, un gel douche, une boîte de chocolat (deux étages), un bidon de lessive liquide, un pack de piles alcalines ainsi qu’un petit objet non alimentaire solidement emballé (jouet ou article ménager). Lors de notre passage à la caisse, nous avons demandé si nous pouvions laisser l’emballage du petit objet non alimentaire.
> Le lendemain, nous avons tenté de rapporter les contenants vides de tous les autres articles. Nous nous sommes adressés au Service clients ou, lorsque ce n’était pas possible, directement au personnel de vente.
> Nous avons ensuite contacté la direction de toutes les enseignes pour connaître leur position officielle en matière de reprise des déchets.
Dans les magasins d’électronique
> Dans une succursale vaudoise de chaque commerce, nous avons acheté une paire d’écouteurs bon marché (moins de 15 fr.). A la caisse, nous avons demandé si nous pouvions laisser l’emballage sur place.
> Nous en avons profité pour savoir s’il était possible de ramener l’emballage complet (carton, sagex, plastiques, etc.) d’une TV que nous avions achetée au même endroit quelques jours plus tôt.
> Nous avons ensuite contacté la direction de toutes les enseignes pour connaître leur position officielle en matière de reprise des déchets.
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