Les bonnes bouteilles en provenance de Californie, d’Amérique latine, d’Afrique du Sud, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande ont la cote. En 1996, elles représentaient déjà 9% du vin importé en Suisse. Pourtant, elles viennent de fort loin. N’est-ce pas un non-sens écologique?
La plupart des importateurs ne se laissent guère démonter par ce genre de doutes: «Les bateaux de haute mer consomment moins d’énergie que les camions, assure Willi Frei, gérant pour le commerce de vin Barossa, à Scherzingen (TG), une société spécialisée dans les vins d’outre-mer. Sur le plan écologique, un système n’est donc pas plus mauvais que l’autre.»
Et c’est vrai! Un cargo de haute mer brûle dix fois moins de carburant qu’un poids lourd de quarante tonnes pour une même distance et un même chargement. Mais il ne suffit pas de savoir cela pour calculer la consommation énergétique d’un voyage complet, c’est-à-dire du vrai point de départ (le domaine viticole d’outre-mer) jusqu’au lieu exact d’arrivée (le marchand de vin en Suisse).
Le commerce de vin biologique Delinat, à Heiden (AR), l’a bien compris et a demandé, il y a quelques mois, un bilan écologique au bureau d’analyse environnementale bâlois Carbotech. Le résultat est sans équivoque: dans le meilleur des cas, il faut trois fois plus de carburant pour un transport de vin d’outre-mer qu’à travers l’Europe!
n Chiffres à l’appui
Voyons les chiffres: pour transporter une bonne bouteille française de Provence (7,5 dl) jusqu’à Steinebrunn (TG), où la maison Delinat stocke ses vins, un camion aura proportionnellement besoin de 0,6 dl de pétrole; il en faut presque trois fois plus pour une bouteille provenant de Californie (1,6 dl). Ce raisonnement vaut aussi pour des provenances plus lointaines comme l’Italie du Sud: pour une bouteille standard, il faudra 1,2 dl de pétrole pour un transport en camion et 0,9 dl pour un transport en train. Il est vrai que la consommation prend tout en considération, y compris la fabrication, l’utilisation, l’entretien
et l’élimination de chacun des moyens de transport.
n Besoins en énergie: n doublés!
Carbotech explique que la façon la plus raisonnable, toujours
sur le plan écologique, d’organiser le voyage entre la Californie et la Suisse est la suivante: transport dans un conteneur sans réfrigération, chargement sur un cargo à Oakland qui ira jusqu’à Rotterdam via le canal de Panama, puis descendra sur le Rhin jusqu’à Bâle.
Lorsque ce même transport s’effectue dans un conteneur réfrigéré et qu’il est transbordé dans un camion au lieu de poursuivre en bateau sur le Rhin, les besoins en énergie peuvent facilement doubler!
Vu les résultats de cette étude, Delinat a décidé de renoncer au vin en provenance d’outre-mer.
Le WWF, dans un récent numéro de la revue Konsum & Umwelt, s’est prêté au même exercice et a également calculé les besoins en énergie pour le transport des vins depuis différents continents. Pour comparer, l’association écologique s’est fondée sur une même quantité de bouteilles, un même moyen de transport (bateau ou/et camion) et une même distance depuis le port d’arrivée (250 km). Pour le chemin qu’un vin européen doit parcourir jusqu’en Suisse, elle a retenu
un forfait de 500 km: c’est par exemple la distance qui sépare la région du Chianti à Martigny.
La comparaison du WWF (voir l’infographie ci-dessus) confirme l’étude de Delinat: le transport d’une bouteille de vin de Californie jusqu’en Suisse nécessite 4,5 fois plus de pétrole qu’un transport européen. Et 6 fois plus si le vin vient de Nouvelle-Zélande!