Que faire? C’est la question qui assaille Maximilien Ferrillo le matin du 25 mai 2006, jeudi de l’Ascension. Seul à son domicile de Collex (GE), fiévreux, ne pouvant plus avaler, avec l’impression d’avoir des couteaux dans la gorge, notre lecteur n’arrive pas à joindre son médecin traitant en ce jour férié. Inquiet, il se résout à contacter SOS médecins, société spécialisée dans l’intervention en urgence à domicile. Arrivé sur place, un docteur diagnostique une angine à streptocoque et prescrit des antibiotiques.
Rien de grave, en définitive. Pourtant, le plus dur à avaler reste à venir. Le 21 août, Supra envoie le décompte de prestations. Et là, patatras! l’assurance refuse de rembourser 128.40 fr. de frais d’urgence et d’indemnité de déplacement sur une facture de 218.75 fr. Pour Supra, «la situation ne justifiait pas un déplacement d’urgence à domicile selon les renseignements obtenus par notre médecin-conseil».
Contre-attaque
Surpris, M. Ferrillo n’est pas pour autant homme à avaler des couleuvres sans broncher. Il s’enquiert de l’avis de SOS médecins qui se dit choqué par cette décision.
La société d’urgence décide d’écrire à la fois à Supra et au médecin-conseil pour leur demander de reconsidérer leur position. Selon elle, un patient doit appeler les urgences s’il a le sentiment que son état nécessite une intervention de ce type. De ce point de vue, c’est à lui de décider, sur le moment, de l’urgence et pas à un médecin-conseil ultérieurement.
Attitude payante
M. Ferrillo, de son côté, appelle Supra. Son assurance lui propose de présenter ses remarques par écrit. Il s’exécute. «Aurais-je dû risquer un accident en prenant ma voiture pour me rendre à l’hôpital distant de dix kilomètres?», demande-t-il dans son courrier, avant de souligner combien il peut être difficile pour un simple citoyen d’évaluer la gravité réelle de son état: «Comment, en l’absence d’un service mis à disposition par Supra, par exemple une ligne téléphonique avec personnel médical, un patient peut-il savoir avec précision quand il est nécessaire de faire appel à un service d’urgence? N’est-ce pas une question de sensibilité?»
Ces lettres se sont révélées payantes, au propre comme au figuré, puisque Supra a décidé de rembourser le montant contesté. L’assurance nous a fourni ses explications: «Conformément aux articles 24 et 32 (al. 2) de la LAMal, les assureurs maladie doivent procéder à des contrôles rigoureux sur le caractère efficace, adéquat et économique des prestations». Dans cette optique, Supra a deman-dé le 14 juillet des informations complémentaires à SOS Médecins sur le cas de M. Ferrillo.
Or, selon l’assurance, «les renseignements obtenus, à proprement parler, ne justifiaient pas l’urgence». Pourquoi, dès lors, avoir changé d’avis? «A la suite d’un entretien téléphonique avec M. Ferrillo, il lui a été conseillé d’écrire sa version des faits directement à notre médecin-conseil, en lui expliquant que l’inquiétude ressentie sur la gravité de son état de santé, au moment de l’appel, n’était pas indiquée dans le rapport de SOS Médecins. Notre médecin-conseil a revu le dossier à la lumière de ces indications».
Tout est bien, mais…
Tout est donc bien qui finit bien pour M. Ferrillo, même si l’affaire le laisse un brin amer. «On ne choisit pas d’être malade. J’ai réagi parce que j’ai un caractère bien trempé, mais combien de gens vont-ils se laisser faire?»
Du côté des urgentistes impliqués, on va plus loin, en estimant que ce cas est révélateur de l’attitude de certaines caisses. Ces dernières profiteraient de l’art. 32 de la LAMal stipulant que les prestations doivent être «efficaces, appropriées et économiques» pour refuser certains remboursements. Le Dr Pierre Froidevaux, de SOS médecins, dit «en avoir marre de ces médecins d’assurance qui font la politique de la santé en Suisse»
et souhaite un changement. Lors de la votation sur la caisse unique?
Sébastien Sautebin