Jean-Pierre Charlet en a assez d’attendre la réouverture du Fonds immobilier Credit Suisse (CS) Euroreal. En choisissant d’y investir environ 10 000 fr. en août 2005, il avait notamment été sensible à la possibilité de revendre à tout moment les parts du fonds à leur valeur nette d’inventaire: «Le fait de pouvoir disposer de cet argent en cas de besoin est un argument qui compte. Or, avec le recul, j’ai vraiment l’impression d’avoir été trompé.»
De report en report
Et pour cause, puisque le fonds a été bloqué une première fois en octobre 2008. Date qui n’est pas sans lien avec la panique provoquée, un mois plus tôt, par la faillite de la Banque américaine Lehman Brothers, en pleine crise des subprimes. «Comme d’autres fonds immobiliers, le CS Euroreal a alors enregistré un nombre inhabituel de demandes de remboursement de parts que les liquidités du fonds n’auraient pas pu satisfaire, explique Dirk Meiwirth, responsable des produits immobiliers à Credit Suisse Asset Management Immobilien Kapitalanlagegesellschaft à Francfort (D). Raison pour laquelle nous avons dû geler les rachats.»
Mais, après les trois mois écoulés, la réouverture du fonds a de nouveau été reportée au 30 juin 2009… Puis, en mai 2010, les déposants recevaient un nouvel avis de suspension d’une durée de trois mois. Et rebelote le 23 août 2010, dans une lettre qui expliquait: «Credit Suisse a décidé, dans l’intérêt des investisseurs, de prolonger de neuf mois supplémentaires la période de suspension du remboursement des parts du Fonds immobilier CS Euroreal. (…) La mesure est prise uniquement pour des questions de liquidités et n’a, à l’heure actuelle, aucune conséquence sur le rendement du fonds.»
Et ce n’est pas fini…
Mais sa patience, Jean-Pierre Charlet a fini par la perdre en mai dernier lorsqu’un nouveau courrier lui annonçait que le gel serait maintenu 12 mois de plus, soit jusqu’au 18 mai 2012! Toujours en cause: les liquidités insuffisantes pour faire face aux demandes de rachat. «L’avant-projet de loi sur le renforcement de la protection des investisseurs et sur l’amélioration du fonctionnement des marchés des capitaux, publié en mai 2010 par le Ministère fédéral des finances allemand, a généré de l’incertitude parmi les investisseurs», justifie la banque.
Malgré trois décennies d’expérience dans l’univers des placements bancaires, notre lecteur déclare pourtant ne jamais avoir été confronté à un tel cas de figure. S’il comprend les mesures adoptées en raison d’un contexte économique exceptionnel, il s’indigne contre leur durée interminable: «Je trouve qu’il est inacceptable, pour les petits investisseurs, de geler les parts aussi longtemps. Dans chaque lettre que nous avons reçue, CS nous donne l’impression que tout va rentrer dans l’ordre, alors que la réouverture du fonds est sans cesse repoussée.»
Aucune exception
Seule certitude, le CS Euroreal devra être débloqué au plus tard le 18 mai 2012, conformément à la loi allemande qui n’autorise pas plus de 24 mois de suspension consécutifs. Jean-Pierre Charlet regrette néanmoins que la banque n’ait pas consenti à faire un geste envers les petits investisseurs en leur permettant, malgré tout, de vendre leurs parts. «C’est impossible, car la loi nous oblige à traiter tous les investisseurs de la même manière», se défend Dirk Meiwirth.
Le gel prolongé du fonds cacherait-il un malaise plus profond? Autrement dit: les investisseurs risquent-ils une perte sèche? A ces questions que notre lecteur se pose légitimement, Dirk Meiwirth se veut rassurant: «Depuis les débuts de la crise, les biens immobiliers du Fonds CS Euroreal ont été examinés à trois reprises par un comité d’experts indépendants. Leur valeur vénale a très peu varié: +0,3% pour l’exercice 2008-2009, –0,4% (2009-2010) et –0,4% (2010-2011). Et selon nous, il n’y a pas de corrections de valeurs exceptionnelles à attendre au cours des prochains mois.»