A chaque retour de week-end, ou pire encore, de vacances, c’est le même problème: votre boîte aux lettres électronique déborde de mails. Pour la grande majorité d’entre eux, pas de problème: il s’agit de publicités ou de courriels indésirables que vous pouvez «poubelliser» sans état d’âme.
Mais gare à l’effacement trop hâtif! Certains courriels sont en effet aussi importants qu’un document administratif classique(1), et méritent d’être sauvegardés. «En théorie, les consommateurs n’ont aucune obligation en ce qui concerne la conservation des données, qu’elles soient numériques ou autres, nuance Felix Schöbi, juriste à l’Office fédéral de la justice (OFJ). Dans le cas d’un achat par Internet, par exemple, l’obligation ne concerne que le fournisseur.»(2) Ainsi, le client qui doit apporter une preuve de paiement peut exiger une quittance du fournisseur ou une confirmation de paiement de sa banque.
Néanmoins, les clients prudents préféreront conserver eux-mêmes les traces d’une tractation électronique ou d’une correspondance destinée à résoudre un problème professionnel. Pour ce faire, quelques données utiles:
> La durée de conservation fixée par la loi(3) est de dix ans. Attention: ce délai débute à partir de la fin de l’exercice annuel, du contrat, etc.
> Les articles 957 et suivants du Code des obligations (CO), ainsi que l’Ordonnance concernant la tenue et la conservation des livres de comptes (Olico), ont été adaptés il y a deux ans aux données numériques. Ils stipulent que «les livres, les pièces comptables et la correspondance peuvent être conservés par un moyen électronique (n.d.l.r. sur un disque dur, un CD-ROM, etc.), pour autant que la conformité avec la transaction de base soit garantie, et qu’ils puissent être rendus lisibles en tout temps». Par ailleurs, les documents conservés par un moyen électronique ont la même force de preuve que ceux sur papier. Dès lors:
– Il est fortement conseillé de sauvegarder les données sur le même support que celui sur lequel on les a reçues. Ainsi, inutile d’imprimer un ordre de paiement. Mieux vaut effectuer une saisie d’écran, à archiver soigneusement, même si, selon Felix Schöbi, une saisie d’écran peut aussi être manipulée et n’a donc, théoriquement, pas valeur de preuve.
– Il n’existe pas de législation déterminant l’importance des documents à conserver, l’Olico et les art. 957 et suivants du CO utilisant uniquement le terme général de «correspondance». Le consommateur ne peut donc compter que sur son intuition et sa logique. Ainsi, certains fichiers peuvent être effacés régulièrement: les e-mails publicitaires ou d’information générale, etc.
D’autres documents numériques et «officiels» devraient être sauvegardés par sécurité: décisions finales, contrats, preuves de commandes et de paiement, correspondances concernant des litiges, etc.
«Le problème, c’est que rien n’a changé théoriquement au niveau de la législation. Mais pratiquement, le consommateur doit gérer beaucoup plus de correspondance qu’avant», souligne Felix Schöbi.
Inutile toutefois de tomber dans la paranoïa: des décennies de correspondance sur papier ne peuvent être abandonnées du jour au lendemain, et les e-mails servent encore souvent de simples supports de communication, accompagnés de feuillets officiels.
Par ailleurs, les sites internet sont maintenant assez perfectionnés pour permettre au client de vérifier ses démarches électroniques. ll recevra par exemple une confirmation de sa commande, ainsi qu’un décompte de sa facture, qu’il pourra sauvegarder. Et c’est tant mieux. Car le Conseil fédéral a renoncé le 9 novembre dernier à édicter une loi sur le commerce électronique, ainsi qu’à réviser les articles du CO qui y étaient liés (lire en p. 2). Les consommateurs doivent donc redoubler de prudence face à la masse croissante d’informations véhiculées numériquement. Véronique Kipfer
(1)Lire BAS 11.04, «La paperasse a la vie longue».
(2)Art. 957 du CO.
(3)Art. 962, al. 1 et 2 du CO.
signature électronique
Vers une authentification numérique
Lorsqu’un contrat ne doit pas avoir de forme précise, il peut être conclu par
voie électronique, mais il doit alors être authentifié. Un nouvel alinéa a donc été ajouté dans le Code des obligations
(art. 14 al. 2bis). Il prévoit que dès janvier 2005, ces contrats doivent être validés grâce à une signature électronique (établie par un procédé de cryptage permettant de garantir l’authenticité de l’expéditeur).
Néanmoins, le public en entend encore rarement parler, car, pour l’instant, seules les entreprises concluent, rarement encore, des contrats électroniques.
La Suisse a en effet pris du retard et ne possède pas encore de signatures électroniques. Celles-ci doivent être émises par un organisme de certification accréditée. Plusieurs sociétés ont demandé à être accréditées, dont La Poste et Swisscom. Mais, alors que les premiers certificats devraient être mis en vente début 2006, on ignore toujours les détails et leurs coûts.