Le système juridique suisse fait peu de cas des sentiments, comme en témoigne l’une de nos lectrices en nous racontant l’histoire vécue par sa collègue de bureau, que nous appellerons Marie. Cette dynamique employée de 57 ans, divorcée depuis 20 ans et dont les enfants sont adultes et hors de la maison, apprend un jour avec étonnement qu’elle a droit à une rente de veuve. Elle avait pourtant complètement coupé les liens avec son ex-mari, Paul*, qui ne lui devait plus de pension alimentaire depuis longtemps. Son étonnement se mue en stupéfaction lorsqu’elle découvre que la seconde épouse, Josiane*, 43 ans, ne touche aucune rente de veuve après le décès de Paul, malgré une union conjugale stable pendant neuf ans.
Comment expliquer cette différence de traitement? Il se trouve que Marie avait été mariée pendant plus de dix ans avec Paul et avait eu des enfants avec lui. Josiane, de son côté, restait sans enfants. Cette absence de descendants n’aurait toutefois pas prétérité Josiane, si elle avait par ailleurs été âgée d’au moins 45 ans au moment du décès de Paul.
Conditions
La dixième révision de l’AVS a en effet élargi les droits de la femme divorcée en cas de décès de son ex-mari. Elle touche une rente de veuve si elle remplit l’une de ces conditions:
> Elle a été mariée au moins dix ans et a eu au moins un enfant (quel que soit son âge et quel que soit le père).
> Elle a atteint l’âge de 45 ans au moment du divorce et a été mariée au moins dix ans.
> Elle a encore un enfant de moins de 18 ans lorsqu’elle atteint ou atteindra l’âge de 45 ans.
Si elle ne remplit aucune de ces trois conditions, la femme divorcée touchera une rente de veuve aussi longtemps qu’elle a encore un enfant mineur.
De son côté, l’épouse recevra une rente de veuve au décès de son mari dans deux cas:
> Si elle a au moins un enfant (quel que soit son âge et quel que soit le père).
> Si elle est âgée de 45 ans ou plus et a été mariée au moins cinq ans.
Veufs moins bien traités
Les hommes, de leur côté, sont nettement moins bien traités que les femmes par l’AVS. Lors du décès de leur épouse ou ex-épouse, ils n’ont droit à une rente que s’ils ont encore des enfants mineurs. Et cette manne cesse dès que junior a 18 ans.
Depuis le 1er janvier de cette année, la LPP traite en revanche de manière égale les veuves et les veufs. Ils touchent une rente:
> S’ils ont un enfant de moins de 18 ans à charge (de moins de 25 ans s’il est en formation).
> S’ils ont 45 ans ou plus et que le mariage a duré au moins cinq ans.
En l’absence de droit à une rente, la caisse de pension alloue au survivant un montant unique équivalant à trois rentes annuelles.
Pour le 2e pilier, le conjoint divorcé est assimilé à un veuf ou à une veuve pour autant qu’il ait bénéficié d’une pension alimentaire ou d’une indemnité en capital et que le mariage ait duré au moins dix ans. La caisse de pension peut toutefois réduire ses prestations lorsque, cumulées à celles des autres assurances, elles dépassent les prétentions découlant du jugement de divorce.
Mais attention: le cumul des rentes de survivant AVS et LPP (et éventuellement de l’assurance accident) ne peut en principe pas dépasser les 90% des revenus du défunt.
Suzanne Pasquier
* Prénoms d’emprunt