Grande première à Bon à Savoir: nous qui avons habitué nos lecteurs à des test rigoureux et précis (lire encore ceux concernant les VTT en pages 26 et 27, ou les casques de moto en pages 16 et 17), entamons aujourd’hui une série de dégustations qui n’échapperont évidemment pas à une certaine forme de subjectivité. Mais à en croire les nombreuses demandes qui nous ont été adressées, elles se justifient pleinement, ne serait-ce que parce qu’elles sont faites par des personnes aux papilles parfaitement standard: un lecteur de Bon à Savoir, un auditeur de On en parle (RSR, La Première), deux journalistes, un chef de cuisine et quand même un spécialiste des produits laitiers (voir légendes des photos ci-contre).
Au menu du jour: douze yogourts aux fraises, le parfum le plus vendu en Suisse. Ils proviennent des grandes chaînes présentes un peu partout en Suisse romande, et de deux laiteries choisies au hasard afin que les produits «artisanaux» soient aussi représentés. Pour que la dégustation soit la plus impartiale possible, nous n’avons acheté que des yogourts classiques, au lait entier et dont la teneur en graisse varie entre 2,5 et 3,5%. But de l’opération: chercher le plaisir plus que les défauts.
Les six dégustateurs se sont donc retrouvés le 15 avril à la rédaction de Bon à Savoir. Après avoir fait connaissance, ils ont dégusté les douze yogourts (qui avaient été transposés dans des godets transparents numérotés) par groupe de trois. A chaque étape, ils ont donné leur impression et noté chaque produit. En fin de dégustation, ils ont pu revoir les notes à la hausse ou à la baisse, en fonction de l’ensemble.
Déception générale
Disons-le d’entrée: le résultat n’est guère flatteur… Le meilleur yogourt, Cristallina, qui est aussi l’un des meilleur marché, a beau être le seul à n’avoir reçu aucune note au-dessous de la moyenne (6/10), il n’en obtient pas moins qu’un petit 7,4. «Trop sucré», estiment Marisa Dürst et le chef de cuisine René Guifault. «Velouté, parfumé et particulièrement frais», nuancent les quatre autres membres du jury, qui lui ont tous accordé un 8.
Juste derrière, l’unique yogourt bio du lot (Coop) est le seul à également être noté au-dessus de 7. «Voilà du vrai yogourt!», s’exclame Thierry Curty, tandis que Daniel Fazan reste sceptique tant sur la texture («plâtreuse») que sur le goût («indéfinissable»). Pour le spécialiste Richard Collomb, en revanche, aucun doute: ce produit se démarque des autres.
A l’extrême inverse, le jury n’a accordé aucune grâce aux lanternes rouges. Il a même été unanime à condamner le produit de Toni, pourtant le seul à être vendu dans un pot en verre. «J’ai tout détesté», déclare Daniel Fazan. «Il y a trop de tout, complète Richard Collomb: trop de sucre, trop d’acide citrique; il est râpeux, pas naturel…». «Immangeable!» conclut Marisa Dürst.
Le yogourt 01 de Carrefour ne semble, quant à lui, avoir que le prix à mettre en évidence: «J’ai la curieuse impression de manger quelque chose de vieux, presque de pourri», commente Pierre Lauper. «L’arôme est oxydé», confirme Richard Collomb, tandis que René Guifaut déplore un arrière-goût chimique. Les points forts? Aucun, tout comme le dernier classé d’ailleurs!
Un gâchis industriel
Bref, pas de quoi s’enthousiasmer… «Tout était beaucoup trop sucré, estime Daniel Fazan. Finalement, il n’y a qu’un produit (réd.: Hirz) qui soit sorti du lot, parce qu’il m’a rappelé un souvenir d’enfan-ce. Mais je ne suis pas sûr que j’aurais pu le manger entièrement…»
«Je ne peux pas dire que je sois déçu, résume quant à lui Thierry Curty, car je n’ai encore jamais réussi à trouver un yogourt digne de ce nom produit industriellement.» Un constat approuvé par Pierre Lauper: «Aucun de ces yogourts ne peut prétendre rivaliser avec ceux que faisait une vieille grand-maman de mon quartier. Tout paraît insipide et on se demande même parfois où est le goût de la fraise. C’est quand même grave, non?»
Richard Collomb, le seul spécialiste du jury, ne les désavoue pas: «La majorité de ces yogourts étaient trop sucrés et contenaient du gélifiant. Mais ce qui est le plus irritant, c’est que les produits des laiteries, qui ne sont ni vraiment artisanaux, ni vraiment industriels, ne font pas mieux, au contraire…»
«Cette dégustation m’a définitivement brouillé avec les yogourts aux fruits, conclut le chef de cuisine René Guifault. Je préfère opter pour un yogourt nature auquel j’ajouterai du sucre et des fraises fraîches».
Christian Chevrolet
les ingrédients d’un yogourt
Ce qui peut parfois faire la différence
Un yogourt à la fraise, c’est du lait fermenté surtout, passablement de sucre et un peu de fruits.
La «masse blanche», c’est-à-dire le yogourt sucré, compose 85% à 90% du produit fini. Elle contient elle-même:
> 85% environ de lait entier;
> 2 à 3% de poudre de lait écrémé;
> 10% de sucre;
> parfois de la gélatine;
> des ferments lactiques.
La «confiture», c’est-à-dire la préparation de fruits, complète le produit à raison de 10 à 15%. Elle contient elle-même:
> 50% environ de fruits;
> 48 à 49% de sucre;
> de la pectine ou de l’amidon;
> des arômes de synthèse;
> parfois du jus de betterave pour la couleur.
Selon Richard Collomb, spécialiste en la matière, les différences notables entre tel ou tel yogourt ne proviennent presque jamais du lait, tant sa qualité est égale.
Il faut donc surtout la chercher dans l’utilisation des ferments. Un yogourt, pour s’appeler ainsi, doit obligatoirement en contenir deux souches au moins: les lactobacilles (qui provoquent l’acidité) et les streptocoques (qui influencent l’arôme). Le dosage joue donc un rôle prépondérant.
L’autre différence notable peut provenir du sucre. Plus il y en a, et plus ça plaît… un moment du moins, la réaction de notre jury le prouve!
L’emploi de gélatine est autorisé, mais doit obligatoirement être signalé sur l’emballage. Elle donne un aspect brillant au produit et une sensation de fondant en bouche, mais comme elle perd son effet à température ambiante, on y ajoute parfois de l’amidon, au risque de rendre le tout franchement pâteux.
La présence des fruits enfin est primordiale. Le consommateur aime les gros morceaux, mais comme une fraise pèse de 5 à 6 g et qu’il y a environ 8 à 9 g de fruits dans un yogourt standard, les producteurs sont obligés de les couper de façon à répartir équitablement les fruits dans tous les pots. Problème toutefois: si les morceaux sont trop petits, le consommateur ne les voit pas et garde l’impression que le fabricant est pingre…