A l’approche de Noël, les grandes surfaces élargissent leur choix de denrées fines. Et entre autres de saumons fumés, qui se déclinent en une multitude de variétés: au champagne, à l’aneth, fumé au bois de hêtre ou de chêne, de Norvège, d’Ecosse, etc.
Bon à Savoir a décidé de soumettre ces poissons à un jury de spécialistes. Afin de comparer ce qui est comparable, le choix s’est porté sur les saumons fumés sauvages provenant d’Alaska ou, plus généralement, du Pacifique. Au total, onze saumons prétranchés de 39 fr. à 130 fr. le kilo, achetés chez Casino, Coop, Denner, Globus, Manor et Migros.
La dégustation a eu lieu le 22 novembre à la rédaction. Les fines tranches ont été présentées par séries de deux ou trois sur des assiettes neutres numérotées. Unique accompagnement: du pain mi-blanc frais et de l’eau, afin que la saveur ne soit pas dénaturée.
Texture décevante
Les premières bouchées ont suffi à provoquer des froncements de sourcils et des grimaces. «On dirait du reconstitué!», lance d’emblée Knut Schwander, responsable du Gault Millau en Suisse romande. «Ma tranche est mal coupée: ce n’est pas normal d’avoir des fibres dans la bouche», ajoute Stéphane Vaucher, professeur à l’Ecole professionnelle de Montreux. «J’espère que les suivants rehausseront un peu le niveau», s’exclame à son tour Daniel Manuel, traiteur. Hélas, non: il a fallu bien du courage à notre jury pour terminer sa dégustation, à coups de multiples tranches de pain et verres d’eau pour faire passer le tout.
Couleurs peu naturelles
Les spécialistes ont ensuite critiqué la couleur. Trop pâle, voire «grisâtre» dans certains cas, ou alors trop rose «et même fluorescente» dans d’autres, la teinte déclasse de nombreux produits, dont le saumon Labeyrie. «On croirait voir un sushi en plastique», remarque Knut Schwander. La présence de taches de sang peu appétissantes a également fait perdre des points au C.T. Océane de Manor et au Premium Coho de Denner.
Goût indéfinissable
Le relent de certains saumons a par ailleurs dégoûté les spécialistes. «Cela me rappelle l’huile de foie de morue», se plaint Stéphane Vaucher devant le saumon sauvage de l’Alaska de Globus - l’un des plus coûteux du test (125 fr./kg). L’odeur de «vieille graisse» du saumon le moins cher, le M-Budget de Migros (39 fr./kg), lui fait également perdre des points. Situation paradoxale, en revanche, c’est notamment la «bonne odeur de poisson» qui permet aux saumons Luxor Sockeye de Migros et Friedrichs Premium de Casino d’arriver premiers du classement!
Quant au goût – trop salé, trop fade, trop fortement fumé, acide, «indéfinissable» ou «étonnamment fruité», comme le souligne Maryline Nozahic, restauratrice à La Croix-Fédérale (Vugelles-la-Motte), dans le cas du saumon Mövenpick –, il laisse généralement à désirer. Mais celui du saumon sauvage du Pacifique de Migros a particulièrement révolté les experts, avec un verdict unanime: «Immangeable!» Et une note minimale: 1.
Tous les poissons de l’assortiment se ressemblent sur un point: leur texture, plus ou moins pâteuse. «Ils doivent avoir été congelés avant d’être apprêtés», avance Jean-François Reinhard, enseignant spécialisé à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Une hypothèse confirmée au Service de la consommation de Neuchâtel (lire aussi l’encadré): la congélation fait éclater la membrane des tissus cellulaires et la chair perd ainsi sa texture d’origine. «La banalisation du saumon oblige à en produire en grandes quantités, qui ne peuvent pas être préparées immédiatement», explique Daniel Manuel.
Moralité: mieux vaut déguster du saumon moins souvent – et sans en voiler le goût avec câpres, citron, oignon, etc. – mais en privilégiant un poisson préparé dans les règles de l’art et, selon l’artisan, parfois moins onéreux que certains de notre test!
Véronique Kipfer
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Sauvage ou d’élevage?
Le saumon fumé sauvage est plus cher que celui d’élevage. Mais il est impossible de différencier les deux sans une analyse de la chair en laboratoire. En 2002, le Service de la consommation de Neuchâtel a donc testé douze saumons majoritairement vendus en grandes surfaces, selon leur teneur en matière grasse (celle des saumons d’élevage est plus importante), oméga 3 et oméga 6, sans oublier l’identification du colorant de la chair. «Notre enquête montre qu’il y a très peu de fraudes», souligne le collaborateur scientifique José Caperos. En 2002, en tout cas, l’indication figurant sur toutes les étiquettes s’est avérée correcte.