Un récent arrêt du Tribunal fédéral (*) vient rappeler la nécessité, lorsque l’on achète une maison ou qu’on en hérite, de bien lire le Registre foncier: les droits qui y sont mentionnés peuvent restreindre, parfois pour de très longues années, la possibilité d’utiliser à sa guise un immeuble. Car ces droits, même inutilisés, ne se périment pas avec le temps. Une propriétaire, qui venait d’hériter d’une maison, en a fait l’amère expérience.
En 1950, cette maison avait été vendue par trois frères. Il avait été convenu que l’un d’entre eux conserverait à vie un droit d’habitation au rez-de-chaussée de la maison, et ceci pour lui, pour sa femme et pour ses deux enfants. Ce droit leur permettait d’utiliser à leur guise le logement composé de trois pièces, d’une cuisine et d’une salle de bains, ainsi que de profiter du jardin. Cette servitude – appelée par la loi servitude personnelle, car liée par nature à des personnes déterminées – avait été inscrite, en mentionnant ses quatre titulaires, au Registre foncier. Mais, durant quarante-cinq ans, aucun membre de la famille n’en avait fait usage, et l’on s’était habitué à ce qu’ils n’occupent pas ce logement.
Mauvaise surprise: en 1995, la nouvelle propriétaire de la maison reçoit une lettre des enfants de la famille qui bénéficient d’un droit d’habitation. Ils se réservent le droit d’emménager dans l’appartement du rez-de-chaussée, ou de l’utiliser comme logement de vacances. La propriétaire ayant fait des difficultés, le tribunal cantonal bernois l’oblige à remettre jardin et appartement en ordre, afin de les mettre à disposition de la famille dans les meilleurs délais.
• Même si le droit d’habitation n’a pas été exercé pendant quarante-cinq ans, il n’est pas abusif de vouloir en faire usage aujourd’hui, ont considéré les juges. En effet, les enfants de la famille – aujourd’hui des adultes – conservent un intérêt à habiter, du moins de temps à autre, dans cet appartement. En outre, le fait de ne pas exercer durant longtemps leur droit d’habitation ne permettait pas à la propriétaire d’en conclure qu’ils y avaient renoncé pour autant.
• Lorsque le contenu du droit résulte clairement de l’inscription au Registre foncier, il est seul déterminant, rappelle ensuite le Tribunal fédéral. Or en l’espèce, chaque enfant, nommément, bénéficiait d’un droit d’habitation, de même que leur mère et leur père, sur l’appartement en question.
• L’inscription indiquait également que ce droit d’habitation n’était pas limité dans le temps. Dès lors, il ne prendra fin qu’à la mort de chacun des titulaires.
Sylvie Fischer
*Arrêt du Tribunal fédéral du 19 novembre 1997; 5C.177/1997