Après les cils, les cheveux ont leur propre mascara. Et, comme les lèvres, les chevelures s'exposent parées de rouge ou de brillance. Les colorations capillaires sont quasi obligatoires cet hiver pour ne pas passer pour une hippie d'un autre âge à tifs ternes. Et les femmes qui prétendent n'avoir jamais modifié la teinte de leurs cheveux sont souvent des menteuses. Selon les chiffres de L'Oréal (*), 50% des femmes se colorent: 20% exclusivement chez le coiffeur, 18% exclusivement à la maison et 12% en alternance selon les deux méthodes. En 1997, les ventes de produits publics de la marque ont connu une croissance de 8% en unité et 12% en valeur. Et cela n'est pas dû à l'effondrement des concurrents!
Mais si les femmes ont de la peine à se contenter de leur teinte naturelle, elles continuent paradoxalement à se méfier du «chimique» et autre «manipulation artificielle». Du coup, les fabricants cherchent à développer des produits qui prétendent au qualificatif de «naturel». Un mot qui ne veut plus dire grand-chose.
La mode est aux produits doux, dont les effets disparaissent après cinq ou dix shampoings, tels qu'Epicéa chez L'Oréal, Botanic pour Schwarzkopf, Colorshine pour Sebastian, etc. Tous les coiffeurs vantent aujourd'hui ces nouveaux reflets. Mais, puisque chaque salon est lié à un, voire deux fabricants, il est difficile d'obtenir des conseils qui tiennent compte des qualités des concurrents.
Entre coiffeurs comme entre fabricants, tous les coups ou presque sont permis: certains n'hésitent guère à affirmer que le produit du concurrent n'est «pas naturel du tout». Mais ils sont incapables de le prouver. Quant à maintenir que leur trouvaille est réellement 100% naturelle, sans aucun produit de synthèse, ils n'y parviennent pas davantage. A moins de dire «100% naturel avec un peu de chimie dedans», comme le distributeur des produits Sebastian.
Cheveux étouffés
Décortiquer la composition nécessite l'aide d'un chimiste pour s'y retrouver. Mais l'essentiel n'est pas là, une fois admise l'illusion du «tout à fait naturel». Ces produits, réellement à base végétale, fonctionnent autrement, sans pénétrer dans le cheveu. Seule divergence de procédé: Colorshine de Sebastian se glisserait sous les écailles ouvertes par la chaleur lors de l'application, ce qui aurait pour avantage de ne pas étouffer le cheveu. Les concurrents réfutent l'argument puisqu'ils préfèrent, eux, gainer nos filaments pileux et évoquer un effet protecteur lissant les écailles...
Quelle que soit la technique, certains de ces nouveaux produits sont même disponibles en version neutre, pour être assimilés à des soins particuliers garantissant la brillance. De quoi inciter à s'offrir de beaux reflets en toute bonne conscience.
Le henné de légende
C'est le henné qui a inspiré le rêve du baume alliant les vertus du cataplasme de mère Nature et les reflets sublimes d'un cosmétique. Et c'est presque vrai: certains hennés, purement végétaux, gainent les cheveux plus longtemps que les nouveaux produits. Mais les reflets ne peuvent être qu'orangés, ou verts sur les blondes. En outre, dans la multitude des marques, divers emballages contiennent des pigments de synthèse, inoffensifs sans doute, mais pas plus naturels que les autres produits. Bien pire: il est arrivé que des poudres importées soient enrichies de sels métalliques. Rien de tel pour faire tenir une couleur -les teintures des années 60 fonctionnaient ainsi- mais rien de tel aussi pour se retrouver avec des cheveux verts ou cassés en cas de permanente. Voilà pourquoi le henné suscite des moues chez de nombreux coiffeurs, d'autant plus que son application est fastidieuse pour ne pas dire boueuse. Néanmoins, les amatrices et les spécialistes lui reconnaissent de réelles qualités. Reste à demander au coiffeur ou droguiste s'il peut garantir que le paquet choisi ne contient aucun sel métallique.
Gare à l'oxydation
Pour obtenir une crinière sublime, il s'agit de ne pas croire aux mirages. Les reflets qui ne modifient pas la teinte des cheveux en profondeur et de façon irréversible durent peu et ne couvrent que des cheveux blancs pas trop nombreux. Il est ainsi tentant de forcer sur les fixateurs ou les pigments pour recourir aux colorations dites «ton sur ton», qui pénètrent les premières couches du cheveu, ou aux véritables teintures par oxydation, nécessaires notamment pour changer complètement de couleur. Mais plus question de rêver d’innocuité, voire de soin.
Le consommateur peut reconnaître ces colorations qui touchent la structure du cheveu dès qu'il s'agit de deux produits à mélanger, voire d'un flacon à tordre ou à secouer violemment pour susciter une réaction chimique entre deux composantes. La présence d'ammoniaque et d'oxydant dans la composition révèle de surcroît qu'il s'agit d'une teinture irréversible.
Sonia Zoran
(*) Sources Etude AES 1994 et évaluation de la REMP 1997.
CONSEILS
Les étiquettes ne disent pas tout
Comment choisir entre le salon et le rayon de supermarché? Achetées dans le commerce, les colorations douces ou puissantes restent bon marché, mais gare aux étiquettes: même distribués exclusivement en droguerie ou dans des magasins bio certains produits vendus sous le terme de naturel contiennent de l'oxygène... décapant. C'est marqué en tout petit dans la composition. Enfin, les reflets sophistiqués de l'Epicéa ou de Colorshine sont réservés aux salon de coiffure.
Les bons conseils aussi. Contrairement aux vendeuses, les coiffeurs, eux, connaissent souvent très bien les qualités et les défauts des marques à leur disposition. Encore faut-il les inciter à divulguer leur
savoir et préciser leur prix, puisque la profession ne fixe pas de barème. Les plus responsables le font volontiers. Tels Monique Frutschi, du salon Féline, présidente de la section du bas à Neuchâtel, et Jean-François Weber, du salon Jacques Dessange, président de la section lausannoise des maîtres-coiffeurs. Ce dernier encourage les clientes à se renseigner, discuter, voire «faire un scandale si le prix à la sortie n'est pas celui qui a été annoncé».