Comme les soins dentaires, les frais de lunettes peuvent peser très lourd sur le budget santé des ménages. D’autant plus que la loi sur l’assurance maladie (LAMal) ne rembourse pas ces prestations, considérant que les défauts de la vue ne sont pas une maladie. Seuls les jeunes de moins de 18 ans ont de nouveau droit à une participation annuelle de 180 fr. depuis le 1er juillet 2012, sur prescription médicale. Pas étonnant, dans ces conditions, que de nombreux «bigleux», reportent l’achat de leurs besicles ou y renoncent faute de moyens.
De 459 fr. à 729 fr.
Si coûteuse soit-elle, une même paire de lunettes peut néanmoins s’acquérir à des prix fort différents. C’est ce que nous avons pu constater en visitant sept chaînes d’opticiens ayant pignon sur rue à Lausanne ainsi qu’une enseigne en France voisine. Menée avec nos confrères de l’émission On en parle (RTS, La Première), notre enquête s’est attelée à comparer le prix d’une paire de lunettes selon un scénario prédéfini (lire encadré).
Nous avons demandé anonymement un devis à chaque enseigne pour des verres aux caractéristiques strictement identiques, à monter sur une paire de Ray-Ban New Wayfarer Black. Résultat: les écarts dans les devis vont de 459 fr. chez Fielmann, à 729 fr. chez McOptic (voir tableau). Le magasin Afflelou d’Annemasse, en France voisine, termine en bonne position dans notre comparatif, à condition de procéder à la fastidieuse détaxe douanière. Sans faire le détour par la France, Maxivue et Afflelou Suisse prennent respectivement les deuxième et troisième places de notre classement, suivis par Optic2000, Visilab, Berdoz Optic et Mc Optic.
Ces résultats doivent toutefois être pris avec des pincettes, car les offres ne sont jamais comparables à 100%. Entre les différentes variétés d’antireflets, les bonus (deuxième paire offerte, etc.) et les garanties diverses, il y a de quoi en perdre son latin. Et, comme les devis sont souvent lacunaires ou dotés de références internes, rien n’est fait pour faciliter la vie du consommateur qui voudrait comparer la qualité et les prix avant d’acheter.
Mince alors!
Les difficultés commencent avec le traitement des verres. Aujourd’hui, ils sont généralement traités avec un antireflet multicouche, incluant un durcisseur qui améliore la résistance des verres organiques (plastiques) aux rayures. Bien que notre demande ait porté sur un traitement dit «de base», certains opticiens nous ont glissé dans leurs devis des «super-antireflets», comprenant jusqu’à 13 couches successives de traitements en tout genre (hydrophobe, antisalissure, etc.). De quoi faire grimper la facture à coup sûr.
L’amincissement du verre a, lui aussi, son importance, même s’il est avant tout d’ordre esthétique. Or, dans le cas précis de notre enquêteur, cette précaution était justifiée au risque de le voir s’affubler de «culs de bouteille». Mais, plus le verre est mince, léger et discret, plus il est cher. C’est pourquoi nous avons, à chaque fois, demandé un taux de réfraction de 1.67. Deux opticiens, Visilab et Afflelou (Lausanne) ont néanmoins tenté de nous orienter vers un amincissement de 1.6, bien moins cher. Un conseil avisé, sachant que cela aurait pu suffire à notre taupe, sous réserve de quelques vérifications (écartement oculaire, etc.).
Comparaison difficile
Face aux différences de prix relevées, les opticiens ont chacun fait valoir leur particularité par rapport à la concurrence. Il y a d’abord ceux qui offrent le contrôle ophtalmique (Fielman, Maxivue, Visilab, Berdoz Optic, McOptic, Afflelou Annemasse). D’au tres, (Optic 2000, Afflelou et Visilab) font cadeau – ou presque – d’une deuxième paire de lunettes parmi une sélection de montures et de verres «basiques». A cela s’ajoute une palette de garanties en tout genre (vol, casse, «satisfait ou remboursé», «remboursé si moins cher ailleurs», etc.). Enfin, certains ont souligné la qualité du conseil et de leur service après-vente.
Variantes moins chères après coup
Par ailleurs, les résultats de notre enquête ont incité des opticiens à nous soumettre des variantes meilleur marché que celles proposées lors de notre passage. Ainsi Berdoz Optic se fait fort de retrancher 120 fr. à sa première proposition (528 fr. contre 648 fr.) en troquant son «super antireflets de dernière génération» contre un produit plus standard. Visilab a également revu son prix à la baisse (594 fr. contre 634 fr.) avec un traitement plus basique, tout comme Maxivue qui évoque, de surcroît, une promotion Ray-Ban pour faire chuter l’addition de 571 fr. à 480 fr. Pour sa part Fielmann parle d’une erreur sur la monture (149.50 fr. au lieu de 189 fr.) pour tirer encore son devis vers le bas.
Au-delà des différences de prix, on constate donc qu’il n’est pas rare qu’on refile au client un produit plus performant qu’il ne l’exige faisant gonfler la «douloureuse». Il est donc ô combien important de prendre le temps de questionner le vendeur et, le cas échéant, de réclamer les certificats (lire encadré) qui garantissent la qualité des verres.
Philippe Chevalier
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
EN DÉTAIL
Les critères de l’enquête
Nous nous sommes rendus anonymement chez les huit opticiens en prétendant vouloir refaire une paire de lunettes, aux caractéristiques suivantes.
> Monture: nous avons sélectionné la New Wayfarer Black de Ray-Ban. Dans certains cas, nous avons dû corriger le devis après coup sur la base du modèle référencé RB5184. Certains ont, en effet, établi leur devis sur celui RB2132, d’apparence identique, mais destiné en principe au montage de verres solaires.
> Correction: le devis a été établi avec des verres organiques unifocaux pour une myopie de –5.00 et –4.25 ainsi qu’une astigmatie de –1.25 et 1.00. Ces caractéristiques permettent d’avoir des verres standard disponibles en stock.
> Traitement: nous avons opté pour des verres amincis selon un coefficient de réfraction de 1.67. Pour l’antireflet, nous avons demandé un traitement de base comprenant un durcisseur (antirayure).
> Devis: les prix signalés dans notre tableau tiennent compte des devis qui nous ont été remis lors de notre passage au magasin. En réaction à notre enquête, certains opticiens ont ensuite revu leur calcul pour faire baisser la facture. Corrections dont nous n’avons pas tenu compte, sachant qu’un client n’y aurait pas nécessairement eu droit.
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