Depuis 1992, les taux d’intérêts hypothécaires sont passés de 7% à 1% environ. Or, ils jouent, tant pour la dette (hypothèque) que les fonds propres, un rôle primordial sur le calcul des coûts qu’un propriétaire peut répercuter sur ses loyers. Donc, normalement, ces derniers auraient dû baisser, alors qu’ils ont clairement augmenté.
Cette anomalie n’a pas échappé à Philippe Thalmann (en médaillon), professeur en économie de l’environnement construit à l’EPFL, qui vient de publier une note technique très complète à cet effet sur son blog (1).
Situation actuelle
Si l’on se réfère à l’indice suisse des loyers calculé par l’Office fédéral de la statistique (OFS), un appartement moyen est loué, aujourd’hui, 34% de plus qu’il y a 25 ans. Si bien qu’un logement acquis en 1992 et loué 1500 fr. à l’époque, est passé à 2017 fr. (voir ligne du tableau ci-contre).
Méthode relative
Première comparaison: la méthode relative. Pour simplifier le travail, la loi autorise des variations de loyer fondées sur des valeurs moyennes, notamment le taux d’intérêt de référence publié chaque trimestre par la Confédération, l’inflation — exprimée par l’indice des prix à la consommation (IPC) — ainsi que les coûts d’exploitation et d’entretien. C’est d’ailleurs selon cette méthode, la plus répandue pour justifier des hausses de loyer, que le calculateur (2) de Bon à Savoir est partiellement construit.
Or, avec la chute des taux hypothécaires et une inflation très basse, mais aussi en tenant compte de l’augmentation moyenne des taxes, des impôts, des primes d’assurance, des frais d’entretien, etc., le même loyer de 1500 fr. — fixé en 1992, quand les taux hypothécaires étaient au plus haut — aurait dû baisser à 1009 fr., alors qu’il a augmenté à 2017 fr. ϖ. Autrement dit: le locataire paie le double de ce qu’il devrait!
Avec correction de l’IPC
Les différences s’accentuent encore si l’on sait que le poste des loyers représente 20% de l’IPC. Donc, si les loyers avaient baissé comme ils auraient dû le faire, l’inflation aurait diminué aussi. Et, comme cette dernière est un des éléments retenus pour fixer une hausse ou une baisse de loyer avec la méthode relative, le professeur Thalmann a calculé que, en tenant compte de cette nécessaire correction, ce même loyer devrait être, aujourd’hui, plus bas encore, soit de 945 fr.
Méthode absolue
Mais il est aussi possible d’ajuster les loyers selon l’évolution des coûts effectifs du propriétaire. Dans ce cas, la loi dit qu’un loyer n’est pas abusif s’il procure un rendement admissible au propriétaire sur son capital propre. Et le Tribunal fédéral a estimé que le taux de ce rendement devait correspondre au taux hypothécaire de référence augmenté de 0,5%.
Le professeur Thalmann s’est donc fondé sur une structure de financement typique d’un bien à louer, pour arriver à des différences encore plus marquées, puisque le loyer de l’appartement acquis en 1992 ne devrait être, aujourd’hui, que de 776 fr.
Ne pas généraliser
«Il serait pourtant erroné de conclure que les loyers devraient tous être divisés par deux, voire plus, conclut Philippe Thalmann. Pour les baux les plus récents, l’écart est bien plus faible. Et mes résultats ne s’appliquent pas non plus aux logements qui ont bénéficié de subventions ou de travaux à plus-value.»
Il n’empêche: le décalage entre ce que prévoit le droit du bail et la réalité est sidérant. L’étude relève d’ailleurs qu’il s’est principalement creusé lorsque les loyers auraient dû être ajustés à la baisse et que cela n’a pas été le cas. Rappel dès lors: c’est aux locataire d’en faire la demande (lire page 55). Rendez-vous sur notre calculateur (2)!
(1) blogs.epfl.ch/philippe.thalmann (article du 14.8.2017)
(2) bonasavoir.ch ⇨ Outils et calculateurs ⇨ Avez-vous demandé une baisse de loyer?
Christian Chevrolet