Le nouveau droit ne facilitera pas le divorce dans le cas où l’un des époux s’y oppose. La législation qui entrera en vigueur en l’an 2000 ne permettra en effet de divorcer qu’après quatre ans d’interruption de la vie commune (art. 114 CC).
Ce n’est que dans des situations exceptionnelles (lire encadré ci-dessous), que le nouveau droit du divorce offrira une porte de sortie avant ce délai. Soit lorsque des «motifs sérieux», non imputables à la personne désirant divorcer, rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC). Cependant, c’est rarement le cas, comme le remarquent divers juristes. Il est bien plus fréquent que l’un des époux se soit simplement lassé de son partenaire.
«Un pas en arrière»
«Les tribunaux auront encore à définir ce qui est vraiment “insupportable”, commente Thomas Sutter, direc-
teur du projet du Code civil à l’Office fédéral de la justice. Mais les conditions du nouveau droit sont incontestablement plus sévères que dans le droit actuel.»
Jusqu’ici, le motif de «désunion» du couple suffisait. Dès l’an 2000, une femme ne pourra plus divorcer si facilement, même si son mari se révèle être un tyran. Tout comme un homme ne pourra invoquer l’infidélité de son épouse pour demander la dissolution du mariage. Si leur conjoint est opposé au divorce, il ne leur reste alors qu’à quitter le foyer conjugal et attendre que les quatre années de séparation s’écoulent.
«Cette disposition constitue un pas en arrière par rapport à la pratique prévalant dans une grande partie de la Suisse, déplore Ingeborg Schwenzer, professeur de droit à l’Université de Bâle. Il est inutile de forcer un partenaire à un mariage dont il ne veut plus.»
Evelyne Lüthy-Colomb, juge cantonale bernoise, tempère la critique. Pour elle, il est tout à fait adéquat d’empêcher un divorce précipité, mais «le délai de quatre ans est vraiment trop long».
Avis partagé par Adrien Studiger, président du Tribunal de Berne-Laupen: «Deux à trois ans de séparation seraient suffisants pour empêcher un divorce à la légère.» Mais, relève M. Studiger, le législateur avait en tête un tout autre cas de figure lorsqu’il a décidé de ce long délai. Il voulait éviter que des maris grisonnants divorcent précipitamment pour une jeune femme. «Cependant, ajoute-t-il, dans la pratique, ces cas sont très rares.»
Avis divergent
Jacques Micheli, avocat lausannois et co-auteur de l’ouvrage Le nouveau droit du divorce* a une autre interprétation du nouveau droit: «Si le mari se révèle un tyran ou si l’épouse est infidèle, il s’agit de motifs suffisamment sérieux pour ne pas obliger l’époux demandeur d’attendre l’écoulement du délai de quatre ans, estime-t-il.
»Il ne faut pas non plus perdre de vue que, dans le système actuel et la jurisprudence y relative, l’époux innocent, sans commettre d’abus de droit, peut s’opposer au divorce demandé par l’autre conjoint pendant une quinzaine d’années, ajoute l’avocat. Or, ce délai sera réduit à quatre ans dans le nouveau droit du divorce. Il ne sera donc pas plus difficile de divorcer contre le gré de l’un des époux.»
*Paru aux Editions Pépinet, 1999; à commander par fax au (021) 319 90 80; prix 80 fr.
quand le mariage devient insupportable
Quatre motifs sérieux
Lors d’un séminaire de juristes, le juge cantonal zurichois Daniel Steck a cité quatre motifs sérieux qui pourraient laisser conclure aux juges que la continuation du mariage serait insupportable:
• En cas de violence physique ou psychique de l’un des époux. Exemple: un mari maltraitant son épouse et ses enfants.
Cependant, en cas d’insultes ou si le partenaire en venait occasionnellement aux mains, il pourrait être supportable, selon le juge Steck, de dissoudre le ménage commun et d’attendre le délai de quatre ans.
• Si l’un des partenaires n’est plus en état d’approuver valablement le divorce, par exemple suite à un accident ou à une grave maladie (problèmes psychiques, toxicodépendance, alcoolisme, etc.). Une maladie incurable de l’un des époux serait, elle, insuffisante pour accélérer la procédure.
• Si l’un des époux remarque après coup que son partenaire étranger ne l’a épousé que pour obtenir un permis de séjour.
• Si l’un des partenaires, las du mariage, a déjà déposé une demande de divorce qui ne serait pas traitée avant l’an 2000, par exemple pour cause de surcharge du tribunal. Dans ce cas, le juge Steck estime qu’il serait insupportable pour le plaignant lésé d’attendre encore quatre années supplémentaires, alors que son mariage aurait vraisemblablement pu être dissous pour cause de désunion selon l’ancien droit.
Mais attention! Ce dernier cas de figure ne s’applique qu’aux affaires pendantes auprès des tribu-
naux depuis une ou deux années. Daniel Steck ne conseille donc pas aux gens qui seraient pressés de divorcer, d’en faire la demande avant la fin 1999: «Celui qui souhaite divorcer maintenant devrait discuter du moment opportun avec un avocat.»