De la crème hydratante au gel douche en passant par le dentifrice, les Suisses utilisent en moyenne chaque jour une dizaine de cosmétiques. Ceux-ci doivent certes répondre à des exigences strictes. Mais, comme ils sont préparés à partir de substances toujours plus élaborées, la législation suffit-elle à garantir notre sécurité? Eclairage.
Campagnes de contrôle
Pour vendre un cosmétique, pas besoin d’autorisation, ni en Suisse ni en Europe. «Il appartient à celui qui met un produit sur le marché de s’assurer qu’il respecte les exigences légales», explique Carole Meylan, collaboratrice de la Protection des consommateurs à l’Office fédéral de la santé publique. C’est la loi fédérale sur les denrées alimentaires qui régit les cosmétiques. Une ordonnance spécifique détaille, entre autres, les substances autorisées (filtres UV, colorants, agents conservateurs, etc.) avec, pour chacune, la concentration maximale ainsi que les conditions d’utilisation et le mode d’étiquetage.
Il est ensuite du ressort des cantons de vérifier que les produits respectent ces dispositions légales. «Nous effectuons régulièrement des sondages à l’échelle romande», explique Bernard Klein, chimiste cantonal vaudois. Ces contrôles – et c’est tant mieux – mettent rarement au jour des substances dangereuses. Tubes et petits pots sortent des usines gérées par les multinationales qui s’appliquent à respecter la législation européenne (lire encadré).
En Europe, le responsable devra en effet, selon un règlement qui va entrer en vigueur en juillet 2013, annoncer le cosmétique (notification) dans une base de données centralisée et désigner une personne responsable du processus de fabrication. La Suisse n’aura pas accès à ce registre, faute d’accord politique.
Filtres solaires en question
En prenant l’exemple d’une crème solaire et d’une coloration pour cheveux conformes à la législation, on constate que les consommateurs peuvent, malgré tout, être exposés à des effets indésirables sans en être informés. Pour jouer son rôle, une crème solaire contient des filtres chimiques UV, dont certains sont des perturbateurs endocriniens potentiels: ils peuvent avoir une influence sur l’activité hormonale.
Pour l’OFSP, en l’état actuelle des connaissances, le bénéfice de la protection solaire efficace l’emporte nettement sur les risques d’effets indésirables des filtres UV. «Nous en appelons, sur notre site internet, au bon sens en limitant l’exposition au soleil et en portant des vêtements couvrants, surtout pour les femmes enceintes ou allaitantes et les petits enfants, plutôt que de multiplier les couches de protection solaire», explique Carole Meylan.
Dans les rayons helvétiques pourtant, rien ne met en garde le consommateur! «J’ai l’impression que les décideurs peinent à mettre à jour les lois en fonction des connaissances scientifiques. Et ce, notamment en Suisse», regrette Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l’Université de Lausanne. «Le Danemark, par exemple, déconseille l’usage des crèmes solaires aux femmes enceintes et aux nourrissons.»
Pas de teinture pour les ados
«Quant à la teinture capillaire, elle peut contenir des colorants qui provoquent des réactions allergiques, dont certaines sont graves», relève encore Carole Meylan. Ici, pas d’interdiction, mais du nouveau tout de même: une mise en garde sur les étiquettes déconseille l’usage des teintures aux jeunes de moins de 16 ans, particulièrement sensibles.
On ne peut qu’espérer voir cette démarche s’appliquer à d’autres gammes de produits. Il n’est pas question de s’exposer au soleil sans protection, mais de faire comprendre qu’enduire un enfant de crème solaire du matin au soir n’est pas un geste aussi maternel que le laisse entendre la publicité. Le consommateur, qui n’est ni chimiste ni légiste, a plus que jamais besoin du conseil des spécialistes pour guider ses choix.
Claire Houriet Rime
ÉCLAIRAGE
Il y a parabène et parabène
Depuis 2010, le Danemark a interdit provisoirement deux agents conservateurs, le propylparabène et le butylparabène, dans les produits (shampoings, savons, crèmes solaires, etc.) destinés aux enfants de moins de 3 ans. Ces deux substances ont été réévaluées par le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs européens (CSSC), qui a recommandé de réduire la concentration maximale autorisée.
Mais attention, il y a parabène et parabène. Le CSSC a ainsi confirmé que le méthylparabène et l’éthylparabène sont inoffensifs dans des concentrations maximales autorisées. Il a en revanche préconisé l’interdiction des isopropyl-, isobutyl-, pentyl-, phenyl- et benzylparabènes et leurs sels dans tous les cosmétiques, car les experts manquent encore d’informations suffisantes à leur sujet. Résultat: l’Europe et la Suisse vont modifier leur législation en conséquence.