Les Offices des faillites le confirment: leurs ventes rencontrent un franc succès. Si bien que certains n’hésitent pas à exploiter le terme «vente de faillite». Christian Puhr, un lecteur de Bon à Savoir, s’étonne ainsi de recevoir depuis de longs mois une réclame d’Unique Tapis d’Orient à Genève, qui annonce une «vente de faillite» avec rabais jusqu’à 80%!
Autre exemple, lausannois: l’«avis officiel» paru régulièrement dans la presse depuis fin 1999 pour la «vente de faillite» des Tapis Roth, avec rabais jusqu’à 60%. Le tout signé par la maison OCP, qui, toujours selon l’«avis officiel», aurait passé un contrat avec l’Office des faillites de Lausanne.
En réalité, Unique Tapis n’est pas en faillite, et la vente d’OCP, sis à Zoug, n’est pas «officielle». Le directeur du premier, Jalil Nasri, explique revendre des tapis issus de faillites pour le compte de banques et d’assurances. Il recevrait un pourcentage fixe sur ses ventes, d’où ses rabais incroyables. Et le second a racheté à bon compte quelques stocks issus de la faillite de Tapis Roth à l’Office des faillites de Lausanne.
n Flou juridique
«Pour certains, les ventes de faillite ou liquidations sont un système de vente, note Serge Zehntner, directeur de l’IGOT (Association suisse pour un commerce loyal du tapis d’Orient). C’est le cas de ces deux maisons, qui depuis des années ouvrent et referment des points de vente à travers la Suisse.»
Souvent, les prix barrés proposés dans ce genre de solderies permanentes sont surfaits. Ainsi un tapis valant 20 000 fr. offert avec un rabais de 50% ne sera vendu que 7000 fr. dans un magasin spécialisé! «Un marché aussi concurrentiel que celui du tapis d’Orient ne permet pas des rabais jusqu’à 80%, commente Alain König, directeur de König Tapis à Lausanne. De plus, la marchandise est souvent de qualité médiocre. Mais le flou juridique régnant depuis la dérèglementation des soldes en 1995 protège ce genre de commerce déloyal. Et les clients grugés, honteux, ne vont pas porter plainte.»
n Faute de preuves
Les associations de commerçants ou de consommateurs pourraient dénoncer ces pratiques. «Mais les démarches, coûteuses, n’aboutissent en général pas, faute de preuves. Les reponsables prétendent avoir perdu des documents indispensables, ou ont tout simplement disparu», déplore Serge Zehntner.
Reste que la police peut vérifier si ces commerces respectent l’Ordonnance sur l’indication des prix (OIP) et donc la Loi sur la concurrence déloyale (LCD). Car un prix barré doit avoir été appliqué au préalable. Et le prix réduit ne peut être pratiqué que durant le 25% du temps pendant lequel le prix initial était valable, et au maximum pendant 2 mois. De plus, l’OIP stipule qu’un tapis d’Orient doit être décrit précisément (voir encadré). Ce qui n’est pas le cas sur les réclames d’Unique. Exemple: ce Pakistan proposé sans indication sur le nombre de nœuds ou le matériau utilisé.
n Enquête ouverte
L’inspecteur du commerce genevois, Jacques Folly, va donc enquêter sur cette publicité, tout comme sur celles qu’Unique Tapis diffuse également sur Internet. En cas d’infraction, la firme risque jusqu’à 20 000 fr. d’amende Son directeur est plutôt avare en commentaires sur ses affaires.
A Lausanne, OCP sera dénoncé au préfet pour avoir continué à publier sa réclame, malgré des avertissements réitérés de la Police du commerce vaudoise: «On peut utiliser le terme faillite, note Anne-Lise Moullet, cheffe de la Police, mais pas faire croire qu’il s’agit d’une vente officielle.» OCP estime sa réclame légale, en justifiant que: «Avis officiel signifie simplement avis au public»...
Quoi qu’il en soit, à l’achat d’un tapis d’Orient, mieux vaut ignorer les publicités tapageuses, et suivre les conseils des spécialistes (lire encadré). Ellen Weigand
conseils d’achat
Comparer et exiger des garanties
Avant l’achat d’un tapis d’Orient:
˛Comparez les offres des commerces. Ils doivent mentionner, outre le prix: le pays d’origine en toutes lettres, la désignation (par ex. Mir, Heriz, etc.), la taille de la partie nouée en cm, le nombre de nœuds au m2 s’il vient d’un pays reproducteur (par ex. le Pakistan, sans tradition propre de fabrication de tapis), la matière du velours (laine de tonte, soie pure, soie artificielle, laine et soie) et l’indication «noué à la main».
˛Méfiez-vous des rabais de plus de 20%.
˛Si on rechigne à répondre à toutes vos questions, changez de suite de magasin.
˛Essayez toujours un tapis à la maison. Les vendeurs sérieux les prêtent, sans acompte!
˛Exigez un droit d’échange écrit, et un certificat d’authenticité. Attention: ce dernier ne vaut que le sérieux de l’entreprise qui l’établit. Un magasin spécialisé sera toujours là en cas de problème. Le liquidateur, lui, aura disparu. Sur le certificat figure: la provenance, le matériel, le nombre de nœuds, le velours, l’âge, la valeur du marché actuelle et le prix de vente. Sans quoi, impossible de procéder à une poursuite juridique pour prix surfait.
Source: IGOT (conseille et effectue des expertises orales dès 50 fr., écrites dès 100 fr.),
tél. (021) 960 25 14;
fax (021) 960 25 17;
Internet: www.igot.ch