La dernière arnaque en vogue provient de la pseudo Etude Miller & Spencer, basée aux Pays-Bas. Plusieurs lecteurs nous ont transmis un courrier*, d’allure très officielle, leur annonçant qu’ils avaient tous hérité de la même somme, 33 652.30 fr., ni plus ni moins. L’histoire est complètement burlesque: un client (forcément très riche, sans proches et philanthrope) a développé un programme informatique désignant les personnes qui hériteraient de sa fortune colossale en fonction de critères sociaux «les plus divers». Et, par chance, il y en a visiblement quelques milliers en Suisse romande!
Tout est là, à portée de main… Il n’y a plus qu’à remplir le formulaire «3.43a» pour signaler que vous acceptez la succession et pour préciser comment vous souhaitez la recevoir: par chèque ou par virement, sans qu’on sollicite toutefois vos coordonnées bancaires. En revanche, on n’oublie pas de vous demander le numéro de la carte de crédit avec laquelle vous allez régler la modeste participation de 70 fr. qui vous est demandée à cet effet.
Concours camouflé
Mais, en lisant les très petites lettres imprimées en gris clair au dos du courrier, plus question d’un legs géré par une société spécialisée: on découvre les règles du «jeu de l’héritage», avec de multiples tirages au sort pour espérer gagner les 33 652.30 fr. Mais vous êtes prévenus: plusieurs personnes peuvent avoir le même numéro d’identification et, dans ce cas, la somme sera divisée par le nombre de gagnants. En revanche, aucun gain ne sera versé s’il est inférieur à 3 fr. Or, comme tous nos lecteurs ont reçu le même numéro, il n’y a pas grand-chose à espérer, quand bien même un tirage au sort aurait bien lieu…
Lancée il y a plus d’un an aux Etats-Unis – preuve est la multitude de plaintes déposées sur le site scambook.com – l’arnaque a débarqué en Europe francophone au début de cette année. Elle ne mérite évidemment qu’une chose: la poubelle! Reste qu’elle agace et qu’il faut bien constater que, en Suisse, les voies légales pour l’interdire sont sinueuses (lire encadré).
Christian Chevrolet
*Le courrier peut être consulté dans son intégralité sur notre site internet, www.bonasavoir.ch –> Services –> Alertes conso –> Gain de loteries.
POSSIBILITÉS JURIDIQUES
«Bon à Savoir» a déposé plainte
«Nous n’avons pas eu de plainte pour ce litige précis, explique Marie Avet, porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), mais les affaires d’héritages fictifs reviennent périodiquement. On peut les considérer comme une variante de la fraude à la commission.» Toutefois, selon le site de l’Office fédéral de la police, une telle fraude peut certes être retenue si l’auteur a trompé la victime de manière astucieuse, mais pas si cette dernière «pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence qu’on pouvait attendre d’elle». Et le même site prévient: «Il est difficile d’effectuer des recherches sur les auteurs, car ils opèrent généralement sous un faux nom et depuis l’étranger. Une demande d’entraide judiciaire internationale s’avère souvent laborieuse et les chances que la procédure aboutisse sont maigres.»
Reste la possibilité de porter plainte auprès de la Commission suisse pour la loyauté, puisqu’il s’agit, finalement, d’une publicité pour un concours. «C’est possible, confirme Thomas Meier, chargé de la communication, mais pas s’il s’agit d’une tentative de fraude. Et cela, nous ne pouvons le déterminer qu’en étudiant la plainte.» Votre magazine Bon à Savoir en a donc déposé une officiellement et nous vous tiendrons informés des suites qui lui seront données. Mais nous doutons de l’influence que cela pourrait avoir sur l’Etude Miller & Spencer, dont on ne connaît que le numéro de la boîte postale en Hollande et qui doit se moquer comme de colin-tampon des «sanctions» prévues si elle est reconnue coupable de publicité déloyale, soit une simple dénonciation sur le site loyauté-en-publicité.ch!