A priori, l’usufruit a tout pour séduire. Il offre, notamment, la possibilité au conjoint survivant de pouvoir occuper la maison familiale jusqu’à la fin de sa propre vie, sans à devoir s’en arranger au préalable avec les autres héritiers, les enfants surtout. Il peut donc devenir une sorte d’assurance contre les mauvaises intentions familiales, dont on sait qu’elles surgissent souvent à la lecture du testament.
Schéma classique: le couple décide, par un acte notarié, de donner le bien immobilier aux enfants, mais se réserve le droit d’y habiter jusqu’au décès de l’un et de l’autre. Ils deviennent alors «usufruitiers» et les enfants «nu-propriétaires».
⇨ Les nu-propriétaires possèdent la maison mais vont devoir attendre pour en profiter. Ils peuvent, certes, la vendre, l’opération restant, cependant, peu probable, compte tenu du droit de jouissance qui grève le bien et qui subsiste de toute façon. Ils vont, par ailleurs, devoir assumer les frais de l’amortissement annuel (souvent 1% de la dette hypothécaire) et les frais du gros entretien (remplacement de la toiture, réfection du chauffage, changement des moquettes, travaux de peinture, etc.).
⇨ De leur côté, les usufruitiers peuvent soit occuper la maison, soit la louer et en toucher les revenus. Mais, en contrepartie, ils doivent assumer une partie des charges immobilières (intérêts hypothécaires et entretien courant) et la totalité des charges fiscales payées par un propriétaire normal. Des sommes qui sont loin d’être négligeables...
Faute de moyens
Du coup, il arrive – malheureusement plus souvent qu’on l’imagine – que, au décès du premier membre du couple, le conjoint survivant ne dispose plus du budget nécessaire pour assumer les frais de l’usufruit. Autre cas de figure fréquent: sa santé l’oblige à entrer dans un EMS et a définitivement quitté la maison familiale. Or, l’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier ou après une durée moins importante fixée par avance.
Trois possibilités
Face à un telle situation, il a trois possibilités.
⇨ Il décide de louer le bien à un tiers ou à ses enfants. Il va alors encaisser le loyer mais continuera d’assumer toutes les charges de l’usufruitier. Il faut donc que les revenus couvrent non seulement les frais de la maison, mais aussi le loyer du nouveau lieu de domicile.
⇨ Il vend son droit de jouissance aux nu-propriétaires, les enfants le plus souvent. Le montant de l’opération, calculé par un notaire, va dépendre, d’une part, de la valeur du bien immobilier et, d’autre part, de l’âge et de l’espérance de vie de l’usufruitier. On s’en doute: plus l’usufrutier est jeune, plus la note sera salée. En revanche, l’affaire est close et personne ne pourra revenir dessus (lire paragraphe suivant).
⇨ Il abandonne son usufruit à titre gratuit. Il s’agit, dès lors, d’une donation, avec ses avantages et ses inconvénients pour les ex nu-propriétaires. L’avantage, c’est évidemment de bénéficier immédiatement et sans contrepartie du bien ou du produit de sa vente. L’inconvénient, c’est qu’une telle transaction est, à juste titre, considérée comme un dessaisissement. Du coup, si le ou la donataire entre dans un EMS et n’a pas les moyens d’assumer la pension, les enfants qui ont reçu le don devront en rétrocéder une partie pour compléter l’aide sociale accordée à cet effet*. Or, 80% des personnes en EMS font appel à ce genre de soutien!
* Lire aussi «Tout ça ira quand même à l’Etat»
Christian Chevrolet