Gourmands, les Suisses grignotent chaque année en moyenne 12 kg de chocolat par personne. Au pays des vaches, il n’est pas étonnant que 80% de cette consommation soit composée de chocolat au… lait. Eveillant la curiosité et évoquant les îles lointaines, les préparations à forte teneur en cacao gagnent toutefois du terrain. Mais petit à petit seulement. Cette découverte progressive des saveurs plus amères ressort très nettement de la dégustation organisée fin mars par la rédaction de Bon à Savoir.
Nous avons confié aux papilles gustatives d’un jury composé d’amateurs et d’experts (voir portraits ci-contre) onze sortes de chocolat noir contenant au moins 70% de cacao. Vendus en grandes surfaces, ces produits évoluent dans une fourchette de prix entre 1,40 fr. et 5,15 fr./100 g.
Choix motivé
Après avoir fait connaissance, les membres du jury ont dégusté les tablettes avec, pour seule consigne, la recherche du plaisir. Préalablement cassés en petits morceaux, les chocolats leur ont été présentés par séries de trois, regroupés selon leur teneur en cacao. A chaque étape, ils ont donné leurs impressions et noté chaque produit en lui attribuant une note pleine allant de 1 (mauvais) à 6 (excellent). A l’issue de la dégustation, ils ont pu revoir leurs évaluations, en motivant leurs choix.
Observant, humant, brisant, puis prenant en bouche, par petits morceaux, les onze chocolats, les dégustateurs ont regretté tour à tour l’arôme envahissant, le manque d’harmonie, la discrétion ou, à l’inverse, «l’explosion de cacao».
Leur constat est presque aussi amer que le produit: sans exception, les plaques ont toutes reçu une ou plusieurs no-
tes au-dessous de la moyenne (4). Le meilleur, le Villars 72%, s’en sort tout juste avec une moyenne générale de 4,3. «Texture agréable, bonne harmonie, bien équilibré, mais nez presque inexistant», estime Véronique Zbinden, critique gastronomique. Carine Maeder, lectrice de Bon à Savoir, nuance en évoquant le «goût de caramel très plaisant»; alors que Dan Durig, artisan-chocolatier, déplore son «arôme de chocolat chaud».
Juste derrière, le Cailler Cacao extrême 74% est également noté dans la moyenne. «Quelle montée progressive en puissance, légèrement vanillé, se répartit harmonieusement en bouche», s’exclame Sébastien Sautebin, journaliste à Bon à Savoir. Olivier Fuchs, maître principal à l’Ecole professionnelle de Montreux, regrette son «acidité prononcée», alors que Danielle Bulloz Maquellin, lectrice de notre magazine, apprécie son côté croquant.
A l’opposé de notre classement, le jury n’a pas pu faire honneur aux produits Suchard Sensations Noir et Noir Spécial de Frey. «C’est du carton!», ont lancé Carine Maeder et Olivier Fuchs après avoir croqué le Suchard. La note la plus clémente (4) lui a été attribuée par Véronique Zbinden, qui l’a trouvé «équilibré, assez rond, bien qu’un peu court en bouche et sans grande personnalité».
Doux pour le porte-monnaie (1,40 fr./100 g), le produit Migros a laissé un arrière-goût déplaisant, proche de la «poussière», sur les palais des dégustateurs. Ce goût très particulier, ajouté à une apparence «banale comme un carrelage», n’a pas séduit le jury qui, comme au précédent, lui a attribué 2,5.
Rien d’exceptionnel
Entre les deux premiers et les deux derniers du classement, les sept autres chocolats s’en sortent avec des observations pleines de courtoisie. Mais, dans l’ensemble, rien d’exceptionnel. Le jury a relevé pêle-mêle l’aspect brillant des tablettes, leur décoration, leur texture, leur éventuelle longueur en bouche, leur astringence, leur parfum ou encore leur consistance. Dans les remarques saisies au vol, la décoration de l’Extra Noir Halba, de Coop, a séduit par son aspect original de «pièce de 5 fr.», alors que le Dolfin a aussitôt évoqué chez Danielle Bulloz Maquellin «un souvenir de… lapin de Pâques».
Zeynep Ersan Berdoz
ce qui fait un chocolat
Les fèves de la différence
Les fabricants de l’ensemble des plaques dégustées indiquent la provenance géographique des fèves de cacao, mais pas leur type. Au nombre de trois, leurs arômes respectifs ont pourtant une influence directe sur l’appréciation des consommateurs:
> Criollo (5 à 10% de la production mondiale): originaire d’Amérique centrale, il est souvent utilisé dans les chocolats fins contenant un haut pourcentage de cacao, en raison de son arôme délicat.
> Forastero (70% de la production mondiale): provenant essentiellement d’Afrique de l’ouest, il est plus résistant que le Criollo, mais possède un arôme plus amer.
> Trinitario (20% de la production mondiale): culture relativement jeune, provenant du croisement des deux précédents. Son arôme raffiné est apprécié des connaisseurs.