«J’estime que ce procédé n’est pas du tout normal!» enrage André Badel, de Bassins (VD), nommé curateur en 2006. La raison? Un courrier envoyé récemment à son pupille par l’agence de recouvrement Swiss Collection Agency AG, basée à Winterthour. Dans ce document, la société confirme avoir clôturé un acte de défaut de biens après réception du paiement. Elle ajoute toutefois que, malgré cela, «ni l’inscription de la poursuite dans le registre ni l’inscription négative dans la banque de données de solvabilité ne sont définitivement radiées». L’entreprise alémanique propose de le faire moyennant le versement de 60 fr.
Pour comprendre ce courrier, rappelons que les extraits du registre mentionnent les poursuites en cours et celles clôturées depuis moins de cinq ans. En d’autres termes, une poursuite ne s’efface pas automatiquement du registre après avoir être réglée. Le débiteur doit soit attendre cinq ans, soit demander au créancier d’intervenir – ce dernier a toute liberté d’accepter ou de refuser – auprès de l’office concerné pour qu’elle ne soit plus mentionnée sur les extraits.
Prix jugé correct
Dans le courrier reçu par André Badel, c’est le créancier qui propose lui-même de demander l’annulation en facturant cette prestation 60 fr. La pratique n’a rien d’illégal. Quant au prix, il ne choque pas l’Association suisse des fiduciaires de recouvrement (VSI). «Une poursuite non justifiée doit être radiée gratuitement. En revanche, lorsqu’elle est justifiée, il est à notre sens normal que les coûts soient mis à la charge du débiteur. La somme de 60 fr. ne nous paraît pas excessive. Des institutions publiques, tels certains offices d’impôts, facturent aussi ces montants pour radier une poursuite», lance Kornel Tinguely, du comité de la VSI.
Enrico Zingg, administrateur de Swiss Collection Agency, se défend, quant à lui, de racketter ses clients. «C’est un service que nous rendons. Nous recevons d’ailleurs régulièrement des demandes dans ce sens. En raison du travail occasionné, il est normal que cette prestation soit facturée.»
Presque six ans plus tard
Mais plus que le montant demandé, c’est avant tout la date de la lettre qui fait fulminer André Badel. Celle-ci a été envoyée le 2 avril 2014, alors que notre lecteur a payé l’acte de défaut de biens le 1er décembre 2008! Il s’est ainsi écoulé pas moins de cinq ans et quatre mois entre les deux événements. «Une poursuite clôturée depuis plus de cinq ans n’étant plus communiquée aux tiers, une proposition d’annulation par le créancier ne présente alors aucun intérêt», constate Jean-Pierre Gaille, délégué aux affaires des Offices des poursuites du canton de Vaud.
Swiss Collection Agency se moquerait-elle du monde? Enrico Zingg s’en défend. Il concède que le système informatique de sa société envoie des courriers sans tenir compte de l’ancienneté de la clôture. Et il défend son offre en précisant qu’elle inclut la radiation d’éventuelles inscriptions dans le registre du ZEK (crédit à la consommation) ainsi que dans celui de la banque de données de solvabilité.
Il affirme également qu’il existe deux types d’extraits de registre, l’un «normal» et l’autre «complet». Dans la version complète, que seul le débiteur peut demander, les offices mentionnent aussi les créances antérieures à cinq ans, lorsque la radiation n’a pas été demandée. Enrico Zingg prétend que certains bailleurs, notamment, exigent un tel document. «Il existe peut-être quelques cas particuliers, mais ce n’est pas une pratique courante», rétorque Frédéric Dovat, secrétaire général de la section vaudoise de l’Union suisse des propriétaires immobiliers (USPI). Jean-Pierre Gaille confirme que les demandes d’extrait complet sont extrêmement rares dans le canton de Vaud.
Sébastien Sautebin
Dans la pratique
Extrait en ligne: trop cher!
Quelques sociétés privées proposent de commander en ligne son extrait du registre des poursuites ou celui d’un tiers, pour autant, dans le second cas, qu’on puisse justifier d’un intérêt légitime. Sur www.poursuite-plus.ch, le document coûte pas moins de 37 fr. et 24 fr. sur www.monetas.ch. Sur le site web de plusieurs cantons, la commande de son propre extrait revient cependant à 18 fr. seulement.
Il est également possible d’utiliser le portail de l’Office fédéral de la justice à l’adresse www.portaildespoursuites.ch, où le coût est de 17 fr. sans les frais de port.