Tout le monde attend Lidl et Aldi, ces deux casseurs de prix qui devraient débarquer en Suisse romande l’an prochain. Au printemps dernier, la simple annonce de leur arrivée avait déjà mis le feu aux poudres, avec une première conséquence plutôt bienvenue pour les consommateurs: une baisse générale des prix des produits de première nécessité, chez Coop tout particulièrement (lire BAS 2/05).
Mais, parallèlement, les deux hard-discounters allemands ne combleront que partiellement les places laissées par Waro (racheté par Coop en 2002), Epa (idem quelques mois plus tard) et maintenant Pick Pay, qui sera définitivement absorbé par Denner d’ici à la fin de l’année. Il ne restera donc que six enseignes pour faire front au péril venu du Nord: les deux géants Coop et Migros, Carrefour, Casino (qui a récemment racheté Magro), Denner et Manor.
Nous sommes donc allés, une nouvelle fois, remplir notre caddie dans ces sept grands magasins (Pick Pay en fait partie pour la dernière fois) bien implantés en Suisse romande. Les produits et aliments choisis sont les mêmes que ceux retenus ces deux dernières années, mais correspondent aux besoins d’une famille. Il nous a, en effet, paru intéressant de comparer le prix de quantités plus importantes, puisque les nombreux prix d’appel (M-Budget, Prix Garantie, N°1, Top, etc.) concernent le plus souvent de gros emballages.
Nos enquêteurs ont relevé les prix de 52 articles courants, selon une liste dressée en 2003 déjà, en s’inspirant du «panier de la ménagère», calculé chaque année par l’Office fédéral de la statistique. Ils l’ont fait le même jour (vendredi 9 septembre 2005) chez Carrefour (Vernier), Casino (Roche), Coop (Romanel), Denner (Lausanne), Manor (Vevey), Migros (Crissier)
et Pick Pay (Crissier).
Déroulement de l’enquête
Comme toujours, ils se sont mis dans la peau du consommateur cherchant le meilleur prix pour chaque produit, sans tenir compte d’autres critères comme l’origine ou la qualité. En revanche, ils ont veillé à ce que les emballages contiennent tous la même quantité. Lorsque cela n’était pas possible, faute de choix, ils ont combiné leurs achats de façon à retomber sur leurs pattes, par exemple en achetant deux flacons de shampooing de 500 ml en lieu et place d’une bouteille de 1 litre. Et, lorsque de telles combinaisons ne permettaient toujours pas d’obtenir des quantités identiques, les prix ont été pondérés pour rendre la comparaison possible. Exemple: si le prix d’un pot contenant 500 g de moutarde était proposé à 5 fr., il a été pondéré à 4 fr. pour permettre la comparaison avec le pot de 400 g
retenu dans notre liste. De telles opérations sont signalées dans le grand tableau ci-dessous.
Enfin, lorsqu’il y avait des promotions (actions provisoires), nos enquêteurs en ont aussi profité, d’où l’importance de procéder à la saisie des prix le même jour.
Le même trio
Comme en février dernier, Carrefour arrive en tête des meilleurs prix. Mais, comme il propose souvent des emballages importants, il distance plus clairement ses deux principaux concurrents qu’au moment de notre dernière enquête, où nous avions retenu des quantités restreintes. Il a en effet fallu payer 8,80 fr. de plus chez Coop (+ 3,24%) et 12,70 fr. de plus chez Migros (+ 4,67%) pour le contenu de notre caddie. Et 47,40 fr. de plus chez Manor (+ 17,15%)!
Impossible, en revanche, de comparer le prix total du caddie avec les autres commerces visités, puisqu’ils ne proposent pas tout l’assortiment retenu dans notre liste.
On peut cependant constater que Denner est tout à fait concurrentiel dans les sous-groupes où il propose un choix complet, particulièrement pour les articles de toilette et les produits d’entretien (cf. le tableau récapitulatif de la page précédente). A l’inverse, Pick Pay est souvent très cher, notamment pour les boissons du petit-déjeuner (29,45 fr. contre 13,20 fr. chez Carrefour) et les articles de toilette (24 fr. contre 9,50 fr. chez Denner). Casino, quant à lui, est étonnamment avantageux pour la viande (total de 41,40 fr. contre 61,70 fr. chez Manor), mais le plus cher pour les produits céréaliers, les légumes et les huiles.
Des différences incroyables
Un examen attentif du grand tableau ci-dessous permet également de constater des différences de prix à peine croyables entre certains produits: 1,5 l de produit pour la vaisselle, notamment, revient cinq fois moins cher chez Carrefour
que chez Casino, ce qui permet d’économiser 7,20 fr. pour ce seul achat!
Des différences tout aussi notables ont été repérées pour le thé (1,80 fr. pour 100 sachets chez Coop contre 6,25 fr. chez Pick Pay), la moutarde (0,80 fr. pour 400 g chez Casino contre 3,80 fr. chez Pick Pay encore) et le gel douche (2,67 fr. pour 1 litre chez Carrefour contre 12,70 fr. chez Pick Pay toujours).
Christian Chevrolet
PAROLES D’ENQUÊTEURS!
Le parcours du combattant
Acheter au meilleur prix est un véritable parcours du combattant! A commencer par les prix qui, le plus souvent, ne sont plus indiqués directement sur le produit, mais près de l’emplacement de ce produit, ce qui est par ailleurs tout à fait légal (lire à ce sujet notre article en page 31).
Le problème, c’est que cette façon de faire ouvre la porte à toutes les confusions. Ainsi, avons-nous dû, par deux fois, demander à une caissière de Carrefour de nous donner le prix d’un produit (en scannant le code-barres), impossible à trouver dans les rayons malgré une attention nettement plus rigoureuse que celle du simple consommateur lambda. De mêmes problèmes ont été rencontrés chez Coop et Denner. A ce propos, chapeau à Migros, qui continue à imprimer les prix sur tous les emballages!
Autre problème: la recherche du produit le plus avantageux à quantité déterminée. Il faut, souvent, acheter trop pour payer moins, car la vente à l’unité est devenue denrée rare ou luxueuse. Exemple vécu dans un commerce avec les œufs. Il nous en fallait 10, mais il n’y avait que des paquets de 6 (2,45 fr.), 12 (3,80 fr.) ou 15 (3,70 fr.: non, ce n’est pas une erreur…). Faites le compte: on se retrouve rapidement avec 5 œufs en trop…
Autre exemple vécu lors de notre enquête: nous avions besoin de quatre boîtes de thon. Or, un commerce offrait, ce jour-là, un paquet de six boîtes pour le même prix que quatre boîtes achetées à l’unité. Nous allions donc nous retrouver avec deux boîtes de plus, ce qui est intéressant en soi, mais moins que si nous avions bénéficié d’une réduction, fût-elle moins importante, sur la quantité désirée.
Enfin, il faut avoir l’œil! Car, même si les prix d’appel (M-Budget, Prix Garantie, N° 1, etc.) sont très visibles, ils ne couvrent pas tous les produits et sont, eux aussi, souvent proposés en quantité relativement importante. Exemple repéré lors de notre enquête: parmi un choix pléthorique, nous aurions pu payer, dans un même commerce, entre 4,60 fr. et 11,70 fr. pour quatre briques de lait UHT!