l en sort de partout: de la télé, des téléphones portables, des lignes électriques… Ni gremlins, ni petits hommes verts, ce sont les champs électromagnétiques, soupçonnés de graves méfaits sur la santé humaine. Une aubaine pour les «inventeurs» de gadgets antirayonnement (voir encadré), mais une source d’embarras pour les scientifiques: difficile, en effet, de prouver expérimentalement que ces champs n’ont pas d’effet sur la santé.
Réels ou supposés tels, les effets des champs électro-magnétiques (des paquets d’énergie émis par des sources électriques) dépendent surtout de la fréquence des ondes qui les composent:
• Les fréquences intermédiaires (IF) et les fréquences radio (RF) induisent des courants, des charges électriques et de la chaleur dans le corps, le tout à une échelle imperceptible. Toutefois, selon plusieurs études, l’exposition à ces fréquences pourrait favoriser les pertes de mémoire, voire le cancer. Le grand public s’expose surtout à de faibles champs IF/ RF émis par les téléphones mobiles et leurs bases.
• Les fréquences extrêmement basses (ELF), bien qu’ayant seulement de très faibles effets sur l’organisme (augmentation imperceptible du rythme cardiaque, de la température, etc.), sont soupçonnées d’augmenter le risque de leucémie chez l’enfant. Les sources en sont les lignes et centrales électriques, ainsi que tout appareil utilisant l’électricité pour fonctionner.
Résultats en 2004
En dépit de ses doutes, nourris par l’absence de confirmation expérimentale, la communauté scientifique continue d’évaluer la réalité de ces risques. «Dans les années à venir, selon Mirjana Moser, chef de l’Unité physique et biologie de la Division radioprotection à l’OFSP, la recherche va surtout porter sur la cancérogenèse des fréquences radio, en particulier émises par les téléphones portables. On attend beaucoup de l’enquête entreprise par l’Agence internationale de recherche sur
le cancer (IARC). Mais les résultats seront seulement connus en 2004.»
Jargon
Autre point focal de la recherche: l’exposition de longue durée à de faibles champs ELF, car certaines études y voient la cause de cancers infantiles. Ce qui fait froid dans le dos, mais «il manque toujours une preuve scientifique convaincante, selon Mirjana Moser. On ne sait pas comment un champ magnétique pourrait avoir cet effet. De plus, le lien entre la dose et l’effet est problématique.»
Aucune preuve donc, malgré les 100 millions de dollars investis jusqu’à présent dans ces recherches. Mais le jargon scientifique employé pour diffuser du bout des lèvres des résultats peu concluants nourrit les craintes du grand public: comment peut-il savoir qu’un «effet physiologique» (par exemple l’élévation de la température) n’entraîne pas obligatoirement un «effet sur la santé»? Doit-il impérativement connaître la classification des risques de cancer par l’IARC, selon laquelle «carcinogène possible» est la plus faible de trois catégories?
Oui, répond sans hésiter l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS, qui a beaucoup planché sur le sujet de la perception du risque des EMF par le public, mise sur l’information pour désamorcer les fantasmes, et utilise largement l’internet à cette fin. Dommage que
son site (www.who.int/peh-emf/) soit en anglais… Autre voie, choisie par l’OFSP, celle de la prudence: la nouvelle Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI), en vigueur depuis l’an 2000, établit des normes tenant compte d’un risque hypothétique – ce qu’on appelle le principe de précaution.
Pour conclure
Bref, jusqu’à preuve du contraire, le plus grand danger que fait courir la consommation de courant reste l’épuisement des ressources naturelles… et pour le public, l’embonpoint de sa facture d’électricité. Blaise Guignard
gadgets antirayonnement
Supercheries inutiles, mais juteuses
Principal suspect aujourd’hui: le téléphone mobile, dernier objet d’engouement technologique de masse. Les soupçons se portaient hier sur l’écran de télé ou d’ordinateur, émettant des champs à trois gammes de fréquences (sans parler d’électricité statique et d’ultrasons). Les VDU (Video Display Units, écrans vidéo) ont été accusés de favoriser l’avortement, les malformations fœtales, les maladies des yeux, de la peau, etc. Aucun de ces soupçons n’a trouvé de confirmation expérimentale, mais les protections «antirayonnement» continuent de se vendre: sphères antimagnétiques, boucliers, etc. Et l’OMS continue de le répéter: aucun de ces gadgets n’a d’efficacité prouvée, et leurs inventeurs sont le plus souvent des farfelus, voire des charlatans qui s’affublent de faux titres scientifiques pour mieux piéger le chaland — et le plumer généralement d’une jolie somme.