Mère de cinq enfants, Eliane Bridy Carron, de Fully, est devenue coutumière des bons cadeau. «On m’en a souvent offert pour la naissance de mes enfants, valables dans diverses boutiques valaisannes, se souvient-elle. C’est une attention touchante, jusqu’au moment de l’échange! Car là, tout se gâte: on m’a refusé tel bon lors des soldes, tel autre lors d’une promotion, et on m’a restitué un solde minuscule (quelques francs) en mini-bon cadeau...».
Même aventure pour Annette Turin, du Landeron. Connaissant sa passion pour les poupées de collection, deux de ses proches lui offrent chacun cinq bons de 10 fr. à faire valoir dans l’un des dix magasins de jouets «Le Déballage». Aussi, lorsqu’elle reçoit dans sa boîte aux lettres une publicité de cette même maison, l’informant qu’un rabais de 30% est offert sur tous les jouets durant trois jours, elle n’hésite pas et opte pour deux poupées russes. Prix de base: 79 fr. chacune, soit un total d’environ 110 fr. avec la réduction promise. Mais là aussi, le vendeur refuse les bons en cette période de promotions, arguant que les rabais ne peuvent être cumulés.
Illogique
Mme Turin repart avec une seule poupée payée à plein tarif «fortement déçue, écœurée même par cette façon de procéder totalement illogique». Elle le fait savoir, par écrit, à la maison Urclas, à Yens, gérante du magasin concerné. Cette dernière confirme – en faisant parvenir un bon d’achat de 10 fr. pour atténuer la déception de Mme Turin – qu’elle n’accepte pas les bons cadeau durant les périodes d’actions spéciales et justifie sa décision par leur provenance très variable: ils peuvent avoir été offerts à des associations lors de lotos ou autres manifestations, lors de concours radiophoniques ou encore achetés par des entreprises avec un rabais spécial. En tels cas, il ne représentent donc pas 100% de gain et ne peuvent être cumulés avec d’autres rabais promotionnels.
Mais Mme Turin n’en démord pas: «Il ne doit quand même pas être sorcier de différencier des bons vendus avec rabais à des entreprises de ceux vendus à prix coûtant à des particuliers.» Fritz Siegenthaler, responsable des magasins «Le Déballage», admet en effet qu’un effort devra être fait pour clarifier la situation, mais envisage surtout de renoncer à offrir ou vendre des bons cadeau à prix pré-
férentiels, tant cette façon de faire lui pose des problèmes! «Même dans le cas de Mme Turin, explique-t-il, je n’ai pas réussi à clairement savoir si les bons qui lui ont été offerts avaient été achetés à plein tarif ou s’ils avaient été obtenus via une entreprise à qui nous les avions vendus avec 20% de rabais. Dans ce dernier cas, il s’agirait donc bel et bien d’un cumul de rabais...»
Contrat à trois
Quels sont les droits du consommateur face à une telle situation? Pas facile de répondre, faute de jurisprudence claire. Nous avons consulté deux juristes, tous deux confrontés pour la première fois à une telle question. Ils partent du principe qu’un bon acheté à plein tarif n’est qu’une contremarque valable pour le prix déterminé dans un établissement particulier. Donc, ils ne voient pas comment ce bon pourrait être refusé en période de soldes, à moins que cela soit clairement mentionné sur le bon lui-même, de façon à ce que les deux clients (celui qui achète le bon et celui qui en bénéficie) en soient clairement informés. Le contraire pourrait revenir, selon l’un des juristes, au non-respect d’un contrat passé entre trois personnes.
Peut-être bien. Mais l’exemple de Mme Turin le démontre, encore faudrait-il être certain que le bon a effectivement été acheté à plein tarif. Or, comment savoir, sans le demander directement à celui qui offre le bon, s’il a lui-même bénéficié d’un avantage, par exemple d’une ristourne de 20% (il a en fait payé 80 fr. un bon de 100 fr.) à l’heure de l’achat? Difficile de poser une telle question sans mettre le «donateur» dans la gêne...
Alors, si on passait outre la pudeur un peu désuète d’offrir un bon plutôt que de l’argent: on éviterait bien des problèmes, non?
Christian Chevrolet