Boucherie: il y a un os
Avec l’interdiction totale des farines animales, la quantité de déchets d’abattage à incinérer devient encore plus considérable. Augmentation des prix à l’étal en vue?
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Bon à Savoir 02-2001
21.02.2001
Dernière mise à jour:
17.02.2023
Blaise Guignard
On s’en doute, l’encéphalite spongiforme bovine (ESB) n’arrange guère les affaires des bouchers. Mais plus qu’un désamour soudain du consommateur pour l’entrecôte ou le filet de bœuf, c’est l’augmentation drastique des coûts de traitement des déchets qui vient peser sur leurs épaules. Cette augmentation, conséquence directe de l’interdiction totale des farines animales, est évaluée à 40 millions de francs.
Or, les bouchers n’ont aucune envie de la voir se r...
On s’en doute, l’encéphalite spongiforme bovine (ESB) n’arrange guère les affaires des bouchers. Mais plus qu’un désamour soudain du consommateur pour l’entrecôte ou le filet de bœuf, c’est l’augmentation drastique des coûts de traitement des déchets qui vient peser sur leurs épaules. Cette augmentation, conséquence directe de l’interdiction totale des farines animales, est évaluée à 40 millions de francs.
Or, les bouchers n’ont aucune envie de la voir se répercuter sur les prix à l’étal
et compromettre ainsi ce qu’ils constatent depuis quelque temps: un retour d’affection du consommateur pour le «petit boucher» au détriment des grands distributeurs. Inquiétude exagérée? Peut-être: le Département fédéral de l’économie annonçait fin décembre que
la Confédération assumerait ces coûts supplémentaires à concurrence de 75%.
Un petit cinquième
Il faut savoir qu’un bœuf de 500 kg à vif donne, après abattage, un poids mort de 250 kg. La différence, c’est le «5e quartier» constitué des tripes, de la cervelle, du foie, de la langue, etc. Autrefois apprécié des consommateurs, il est aujourd’hui quasi intégralement détruit (à l’exception des peaux), ESB et évolution du goût obligent.
Sur ces 250 kg, tout ne finira pas sur l’étal: plus de 90 kg de déchets carnés et 66 kg d’os devront être incinérés, à un coût allant de 270 fr. la tonne pour les déchets carnés à 300 fr. la tonne pour les os. Ce sont en tout cas les frais facturés aux petits fournisseurs par Centravo SA, principale entreprise d’élimination des déchets d’abattage en Suisse… et ex-fabricant de farines animales. Globalement, cela représente près de 30 ct. par kg de déchets, soit 20 ct. par kg de poids mort.
«Ce qui a changé, c’est que les bouchers doivent aujourd’hui payer ce qui, auparavant, leur rapportait: avant l’ESB, les os étaient payés de 8 à 10 centimes le kilo pour être transformés en farines osseuses», explique Jacques Chapuis, président de la commission presse et consommateurs du Conseil romand de boucherie.
Pas de hausse
Ces coûts supplémentaires sont plus facilement absorbés par les grands distributeurs comme Bell ou Migros que par les boucheries de quartier: «Les entreprises de traitement des déchets offrent naturellement des conditions financièrement plus favorables lorsqu’il s’agit de grosses quantités. Et les coûts de transport sont encore alourdis par la taxe poids lourds», commente M. Chapuis. L’expert estime toutefois que Centravo n’aura d’autre choix que de répercuter la prise en charge par Berne des 3/4 de l’augmentation des coûts, et qu’une hausse des prix de détail serait donc «injustifiable».
Bref, selon toute probabilité, ni les consommateurs ni les bouchers n’en seront de leur poche. Reste que l’ESB n’en finit pas de déployer ses effets indirects sur le commerce de la viande. Et que si l’interdiction totale des farines animales se justifie du point de vue de la santé publique, elle rend le coût de l’alimentation carnée encore plus prohibitif. Maintenant que tout recyclage des déchets carnés et osseux est exclu, combien d’hectares à cultiver pour obtenir un petit quintal de chair consommable?
Blaise Guignard