Le port de l’uniforme dispense les soldats de payer les primes de leur caisse maladie (lire encadré). Pendant la durée du service, en effet, l’assurance militaire prend le relais. La recrue Michel Nobs pensait cette formalité réglée comme du papier à musique, mais il a vite déchanté. Il lui faut aujourd’hui un classeur entier pour contenir les courriers échangés avec sa caisse, Supra, sans parler des mises aux poursuites pour primes impayées!
Tout avait pourtant bien commencé. Avisée par le futur troupier au début de septembre 2010, Supra lui indique suspendre provisoirement les primes pour la durée de l’école de recrues, du 1er novembre 2010 au 8 avril 2011. Mais l’assureur ne se satisfait pas de l’ordre de marche. Il exige un autre document officiel, la «confirmation de son incorporation établie par son commandant d’école», que notre lecteur doit obtenir à son entrée en service à Liestal.
«Cette précaution vise à éviter que ceux qui quittent l’armée en cours de route ne se retrouvent sans assurance ma la die, faute d’avoir prévenu leur caisse», explique Claudio Antonazzo, directeur de la Supra. En d’autres termes, le service du contentieux ne lâchera pas prise tant qu’il n’aura pas reçu ce sésame.
Dialogue de sourds
En langage gris-vert, le fameux formulaire est intitulé «Confirmation relative au service militaire». Mais attention:
il est remis seulement sur demande ou doit être commandé en ligne. Et le site du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), précise, mais sur la version allemande seulement, qu’il faut jusqu’à trois mois pour l’obtenir!
Pour Michel Nobs, les choses ne sont pas si claires. Le jeune conscrit bombarde Supra de ses ordres de marche successifs. Il joint même ses relevés mensuels d’assurance perte de gain. De son côté, la caisse lui envoie tour à tour de nouvelles lettres types annonçant qu’elle suspend provisoirement le paie ment des primes, puis des commandements de payer pour des mois non réglés.
Au début de janvier 2011, il se rend au guichet de la caisse qui lui précise sa requête. Il écrit alors à son commandant à Liestal pour réclamer la fameuse attestation, mais celui-ci répond par une lettre… qui n’est toujours pas la bonne! Supra réplique en envoyant les bulletins de versement pour février et mars.
La suite ressemble à un dialogue de sourds. En mars, Michel Nobs approche encore son commandant, cette fois à la caserne de Colombier. Ce dernier confirme par écrit que l’appointé Nobs a passé 42 jours dans ses murs, du 29 janvier au 11 mars. Ce qui compliquera les choses, car la Supra ne fait pas le lien entre ce courrier et les mois déjà passés sous les drapeaux. Elle avertit donc la recrue que, à moins de 60 jours de service, il n’a droit à aucune dispense de primes!
Payé les galons
Notre lecteur qui a, entre-temps, enchaîné les formations pour payer ses galons de caporal, puis de sergent, finit par trouver les mots justes pour exiger la confirmation, qu’il reçoit le 22 juin dernier de Colombier.
Supra cesse alors de le harceler, mais le mystère reste entier: toutes les caisses maladie sont-elles si pointilleuses? Et pourquoi ni le commandant de Liestal ni celui de Colombier n’ont-ils fourni le bon document à temps? Le DDPS, qui se refuse à commenter ce cas précis, affirme que les recrues sont dûment informées à leur entrée en service. Il est en revanche hors de question de leur fournir d’office la confirmation magique… même si elle ne comporte qu’un timbre, une signature et deux dates.
Claire Houriet Rime
Affaire de calcul
Par tranches d'un mois
Les soldats qui passent plus de 60 jours consécutifs sous les drapeaux sont libérés de leurs primes d’assurance maladie de base, à condition d’en avertir leur caisse huit semaines avant l’entrée en service. Seules les primes pour des mois entiers sont exonérées. Le nombre de jours de service, divisé par 30 et arrondi vers le haut ou vers le bas, donne le nombre de mois.
Dans le cas de Michel Nobs, enrôlé du 1er novembre 2010 au 5 août 2011, la durée de service est de 278 jours, soit 9,23 mois. Le sergent a donc, finalement, été dispensé de payer l’équivalent de neuf mois de primes.