Lorsque le mercure descend sous la barre du 0°C, que l’air glacé brûle la poitrine et que l’œil larmoie, on n’a guère envie de braver les éléments pour une heure de jogging ou de vélo. En revanche, dans des conditions identiques, on n’hésite guère à chausser ses skis et prendre la file aux remonte-pentes.
Une journée de ski représente pourtant un effort considérable – bien plus, en général, que ceux auxquels sont habitués la plupart des skieurs. Directeur de l’Institut de chirurgie articulaire et de traumatologie et médecine du sport de la Clinique de Genolier, le professeur Jean-L. Rhenter insiste: le froid multiplie les risques d’accidents musculaires ou ligamentaires, de même que les traumatismes dus à la fatigue – par exemple les fractures consécutives à une chute ou un faux pas. Pour tout effort sportif par basse température, il est donc indispensable de prendre certaines précautions: bien se préparer, bien s’équiper et être attentif à ses propres limites.
Bien se préparer
• Echauffement: «Plus il fait froid, plus l’échauffement avant l’effort est nécessaire, souligne le prof. Rhenter. Il faudrait s’échauffer deux fois plus longtemps par basse température (au moins une demi-heure), et y mettre un soin particulier à mesure que l’on prend de l’âge.»
• Alimentation et hydratation: avec le froid et la neige, on oublie facilement de s’hydrater; en outre, l’hypoglycémie (la «fringale» due à un épuisement des réserves d’hydrates de carbone) survient plus vite. Deux bonnes raisons de boire et manger régulièrement – toutes les demi-heures. Mais attention: conjuguée à la fatigue physique, une boisson glacée est le plus sûr moyen d’attraper une angine! Pas besoin de boire brûlant, mais mieux vaut prévoir un thermos.
Bien s’équiper
• La difficulté est de parvenir à un équilibre vestimentaire entre chaleur et évacuation de la transpiration. «Autant que possible, il faut déterminer le niveau d’effort auquel s’attendre, faire appel à son expérience et viser
le confort», résume le prof. Rhenter. Avec une double ligne directrice: préférer les vêtements et sous-vêtements dits «perspirants» (qui laissent passer la transpiration et ne se transforment donc pas en serpillière au bout d’une heure) et s’habiller en «pelure d’oignon»: jouer sur les couches à enlever lorsqu’on a trop chaud (avant qu’elles ne soient détrempées!) et à remettre lorsqu’il fait plus frais (prévoir un petit sac à dos).
• L’inhalation d’air froid provoque une constriction des bronches, qui peut devenir une véritable réaction asthmatique chez certaines personnes. On peut l’éviter
en respirant à travers une écharpe ou un masque.
Etre attentif à ses limites
• Le seuil de fatigabilité est abaissé par le froid, et les signes envoyés par l’organisme doivent être pris en compte: des tremblements musculaires des cuisses, par exemple, donnent le signal du retour.
• Nez, oreilles et extrémités sont particulièrement exposés au froid. «Les gelures “bêtes” de gens qui n’y pensent pas sont plus fréquentes qu’on ne croit, prévient le prof. Rhenter. Ne pas laisser d’insensibilité s’installer: plus le temps passe et plus il est difficile de “récupérer” une gelure.» En cas de doute sur la vitalité d’un doigt ou d’une oreille, ne pas hésiter à consulter.
Les enfants
• Les enfants n’ont guère d’aptitude au «monitoring» sur eux-mêmes... Aux adultes, donc, de les surveiller et de prendre garde aux points exposés ci-dessus.
• Par grand froid, transporter un enfant en sac à dos est à proscrire: l’immobilité et la compression entre sac, doudoune et dos de papa renforcent les effets du froid.
• «Au-dessous de –10°C, les enfants de moins de 10 ans ne devraient pas être exposés au froid», estime enfin le prof. Rhenter.
Blaise Guignard
les risques
Les muscles plus exposés que le cœur
«Le traumatisme le plus banal lié à l’effort par temps froid, c’est l’accident musculaire, de la simple élongation à la rupture partielle ou complète, explique le professeur Rhenter.
Pour le ski, la fatigue particulière accroît les risques de mauvais mouvements ou de chutes, et les ligaments croisés antérieurs du genou en sont les premières victimes.» Selon les statistiques du Bureau de prévention des accidents, les blessures au genou représentent environ un tiers des accidents de ski — jusqu’à 45% pour les adultes entre 31 et 45 ans.
Le froid impose une fatigue cardiaque supplémentaire. Selon le Dr Cédric Vuille, médecin-chef cardiologue à la Clinique de Genolier, «la même marche par temps froid ne représente pas le même effort que par temps doux. Chez les personnes qui ont une maladie cardiaque connue ou ignorée, cela peut suffire à déclencher un problème: essoufflement anormal, douleurs thoraciques». En cas de maladie avérée, recommande le Dr Vuille, il faut discuter avec son médecin pour définir les activités possibles ou recommandées, et définir les critères de surveillance.