L’enregistrement d’une conversation téléphonique sans le consentement des différents interlocuteurs est punissable. Voici pour la règle générale. Mais, on s’en doute, il existe des exceptions (lire l’encadré). Et celles-ci affectent particulièrement les consommateurs, puisqu’elles portent notamment sur «des commandes, des mandats, des réservations ou d’autres transactions commerciales de même nature, dans le cadre de relations d’affaires» (art. 179 quinquiès du Code pénal, CP).
Prise à la lettre, la loi (en vigueur depuis 2004) semble claire. Un commerçant qui opère par téléphone peut enregistrer la transaction sans en avertir son interlocuteur, afin
de s’aménager des moyens de preuve en cas de contestation ultérieure. Mais certains spécialistes en restreignent la portée en se basant sur les débats des Chambres fédérales.
Gagner du temps
> Ainsi, le Préposé fédéral à la protection des données estime que l’enregistrement à l’insu d’un interlocuteur n’est autorisé que s’il porte sur des transactions de masse ne donnant pas lieu à des négociations. Il viserait notamment à accélérer les transactions effectuées via des lignes standardisées, par exemple dans le domaine du voyage ou de la Bourse. Mais le nouvel article 179 quinquiès CP ne dispenserait pas un démarcheur d’annoncer l’enregistrement d’une commande. Car celle-ci aura vraisemblablement été précédée de négociations.
> Pour d’autres spécialistes, cette interprétation restrictive ne peut pas être retenue. Selon le département de droit pénal de l’Université de Genève, par exemple, les transactions proposées par les opérateurs téléphoniques et les vendeurs de produits en tous genres rentrent également dans le commerce de masse. Et échappent de ce fait à l’annonce obligatoire de l’enregistrement. Car le texte de loi a finalement été voté en partant du principe que dans ce type de transactions, le grand public sait que les commerçants conservent la trace des contrats oraux.
> Les auteurs du «Code pénal annoté» (Editions bis et ter) s’appuient sur le même raisonnement, en précisant qu’il ne faut pas poser de critères trop sévères à l’aspect licite de l’enregistrement, car il ne pourra pas être transmis à des tiers et ne servira ultérieurement qu’à titre de preuve.
Un net recul
A Bon à Savoir, nos contacts avec les lecteurs démontrent que ceux-ci s’attendent rarement à être enregistrés sans préavis. A notre grand regret, nous devons toutefois leur annoncer que le Code pénal révisé marque un recul dans la protection des consommateurs. Car il n’est guère réaliste de considérer que les démarcheurs ne sont pas concernés par l’article 179 quinquiès du Code pénal. Face à un texte de loi sans équivoque, il y a en effet fort à parier qu’un juge opterait pour une solution pragmatique.
Mais voyons aussi le côté positif: le client peut lui aussi, sans préavis, enregistrer sa commande!
Suzanne Pasquier
portée de l’enregistrement
Pas de transmission à un tiers
L’enregistrement d’une conversation sans le consentement de l’interlocuteur est punissable, à quelques (notables) exceptions près. Outre les commandes et les réservations de nature commerciale, les conversations avec des services d’assistance, de secours et de sécurité échappent également à l’obligation de préavis (art. 179 quinquiès al. 1 lettre a CP). Dans ce cas, la nécessité de ne pas perdre de temps dans des situations urgentes l’emporte sur la protection de la sphère privée.
En tous les cas, la conversation recueillie ne peut pas être transmise à des tiers sans le consentement des participants (art. 179 bis et 179 ter CP). Pour en revenir à l’exemple des commandes, seuls les interlocuteurs pourront demander de pouvoir réécouter la conversation.
Par ailleurs, l’enregistrement ne constitue une preuve que s’il comporte les éléments principaux du contrat. Pour une vente, par exemple, il attestera de l’accord du client, mais aussi de la marchandise, du nombre de pièces, du coût total et des éventuelles conditions d’essai. Pour un abonnement téléphonique, il rappellera sa durée, le coût an-
nuel ou mensuel et l’étendue de
la prestation.