Voilà plus de 50 ans que l’assurance maternité est inscrite dans la Constitution fédérale, sans n’avoir jamais vu le jour. Le Conseil fédéral s’est enfin jeté à l’eau: avec son projet, toutes les travailleuses indépendantes et les employées toucheront 80% de leur salaire durant 14 semaines, indépendamment du nombre d’années de service. Employés (hommes comme femmes) et employeurs participeront chacun au financement à raison de 0,1% du salaire.
Or, à l’exception des socialistes, les grands partis mettent les pieds au mur. Le PDC approuve certes le projet, mais refuse son financement par une nouvelle ponction salariale. Et l’Union patronale suisse, l’Union suisse des arts et
métiers (USAM), ainsi que l’Union suisse du commerce et de l’industrie (Vorort) ne veulent pas entendre parler de dépenses supplémentaires pour la protection sociale, prétextant un affaiblissement de l’économie et donc une menace directe pour l’emploi. Sans dire un mot de la concurrence européenne qui ne se débrouille pas si mal avec un minimum de 14 semaines payées pour chaque congé maternité. Il n’y a finalement que la Fédération romande des syndicats patronaux qui, après moultes hésitations, approuve le projet, mais du bout des lèvres.
Le Conseil fédéral se montre pourtant rassurant. Il a fait ses calculs: globalement, l’assurance maternité ne chargera pas davantage l’économie suisse. Les employeurs paient en effet d’ores et déjà une bonne moitié du futur budget pour les actuels congés maternité. L’autre moitié sera donc couverte par les employés, en particulier par les hommes.
Chiffres rassurants
D’un côté comme de l’autre, la charge sera toutefois mieux répartie. Certaines branches économiques, comme la construction et l’industrie, vont effectivement devoir payer plus qu’aujourd’hui. Mais d’autres – spécialement celles qui emploient un pourcentage élevé de femmes, tels l’horlogerie, l’hôtellerie, les commerces de détail ou les fleuristes – seront déchargés (lire l’encadré ci-dessous). On pensait donc qu’au moins ces dernières soutiendraient le projet. Eh bien non!
«L’hôtellerie et le commerce de détail sont plutôt défavorables au projet, souligne Kurt Gfeller, secrétaire de l’USAM. Car nous ne croyons pas le Conseil fédéral lorsqu’il prétend que l’économie ne devra pas payer plus.» Sans pouvoir pour autant étayer ces doutes par des chiffres concrets.
Pour Corinne Schärer, de Unia (syndicat du tertiaire, hôtellerie, vente et commerce), il ne s’agit de rien d’autre que d’un blocage idéologique: «On refuse tout développement social», un point c’est tout. Les propos de Peter Hasler ne la feront certainement pas changer d’avis. Le directeur de l’Union patronale suisse ne voit en effet pas la nécessité d’une telle assurance: «Si la future famille n’a pas d’économies et que personne dans son entourage ne peut la soutenir, il y a toujours la sécurité sociale», déclarait-il récemment...
Les prochains débats parlementaires risquent d’être animés!
EXEMPLES à L’APPUI
Les gagnants et les perdants
Exemple: d’un côté, une entreprise de construction avec 15 employés dont une femme au secrétariat. De l’autre, un commerce de fleurs où travaillent quatre vendeuses. Durant une période de dix ans, d’un côté comme de l’autre, une seule employée est tombée enceinte après quatre ans de service. Les employeurs ont donc dû, selon l’échelle bernoise (référence en la matière lorsque les CCT ne prévoient pas de règlements plus avantageux), verser deux mois de salaire brut, soit 7000 fr.
La construction y perd
Avec une masse salariale
annuelle de 800 000fr., la contribution de l’entreprise pour l’assurance maternité sera de 8000 fr. (0,1%) pour dix ans (intérêts non inclus). Elle va donc perdre 1000 fr. par rapport à la situation actuelle.
Les fleuristes y gagnent
Avec une masse salariale annuelle de 180 000fr., la contribution patronale sera de 1800fr. L’entreprise va donc gagner 5200 fr. par rapport à la situation actuelle. Si une deuxième femme (ce qui est très vraisemblable) était tombée enceinte, elle aurait gagné 7000 fr. de plus.
Les mamans y gagnent
La mère a, durant les quatre années précédant sa grossesse, payé 182 fr. et va toucher durant 14 semaines 80% de son salaire, soit au total 9800 fr. En dix ans, elle aurait payé 455 fr. de contributions. Et 1820 fr. en 40 ans.