«Cela fait plus de dix ans que nous consultons ce médecin. Assura était au courant. Et, aujourd’hui, on nous menace de ne pas rembourser nos frais, parce qu’il s’agirait d’un spécialiste. C’est scandaleux!» Yvonne Tièche, de Châteaux-d’Œx (VD), est fâchée. Et elle n’est pas la seule.
«Nous sommes suivis depuis plus de quinze ans par un interniste, raconte, pour sa part, Chantal Baillif, de Bougy-Villars (VD). Or, il n’est plus accepté parce qu’il a une spécialisation en allergologie. On nous demande de changer de praticien, de chercher une nouvelle caisse en quelques jours ou alors, de payer le modèle classique avec un libre choix, ce qui représente pour deux personnes une augmentation de la prime mensuelle de 100 fr.!»
Même son de cloche pour André Kaser, de Bévilard (BE), et Olivier Moulin, de Gland (VD), dont les médecins ne sont plus acceptés à cause d’une spécialisation d’allergologue ou d’anesthésiste. Bon à Savoir a reçu, il y a peu, de nombreux autres témoignages de lecteurs courroucés contre Assura.
Délai indécent
L’assureur a en effet décidé de revoir son modèle «Médecin de famille» qui permet d’obtenir des primes réduites. Les professionnels qui possèdent une spécialisation ne sont dorénavant plus acceptés, même s’ils n’exercent que comme généralistes. Les clients ont donc été informés par Assura qu’ils devaient choisir un nouveau médecin pour continuer à bénéficier du modèle préférentiel.
Ce qui fâche encore plus ces personnes, c’est le délai que l’assureur leur a octroyé pour réagir. Car les lettres leur ont été adressées à la mi-novembre, soit quelques jours avant le délai légal de résiliation (30 novembre). Rudolf Luginbühl, l’ombudsman de l’assurance maladie, partage cette opinion: «Les caisses ont le droit de changer le modèle et de ne plus accepter certains médecins en tant que généralistes. Mais elles doivent avertir les assurés dans des délais raisonnables. Il semble que cela n’ait pas toujours été le cas…»
De son côté, Assura estime qu’elle n’avait «aucune obligation d’envoyer ce courrier». La compagnie considère que ses clients étaient depuis longtemps au courant de ces nouvelles restrictions entrées en vigueur au début de l’année 2012 déjà. «Tous les assurés ont reçu en octobre 2011 nos nouvelles conditions d’assurance avec la communication des primes de 2012, réagit Xavier Studer, son porte-parole. Il était précisé que «sauf cas d’urgence établie, l’assuré s’engage à consulter en premier recours le médecin de famille qu’il aura choisi parmi les médecins généralistes, internistes sans autre spécialisation ou pédiatres pour les enfants et dont il aura communiqué les coordonnées à Assura». Le hic, c’est que les assurés ne pouvaient pas deviner que leur médecin de famille serait soudainement sorti de la liste des praticiens agréés.
Prise en charge refusée
Pour d’autres, la pilule est encore plus difficile à avaler. Car la caisse va jusqu’à leur refuser la prise en charge de tout ou partie des frais médicaux de l’année écoulée. Elle déclare être disposée à les prendre en charge seulement si les assurés optent pour le modèle avec libre choix du médecin et paient rétroactivement le supplément des primes à compter du 1er janvier 2012. Là aussi, l’ombudsman est sceptique: «Il n’est pas sûr qu’une telle démarche soit juridiquement acceptable.» Le médiateur affirme toutefois être «intervenu auprès d’Assura qui a accepté de reconsidérer certains cas».
Reste finalement la question de la définition du médecin de famille. Certains assureurs acceptent des praticiens sans restriction alors que d’autres non. «Il n’y a pas de liste officielle de médecins de familles parce que rien ne le définit dans la loi», ajoute Rudolf Luginbühl. Les caisses peuvent donc définir leurs conditions comme bon leur semble...
Loïc Delacour