Brûler un feu rouge équipé d’un appareil photographique ne pardonne pas. Vous recevez alors, souvent sans vous y attendre, une lettre de la police mentionnant la date, l’heure et le lieu où l’infraction a été constatée, ainsi que le bulletin de versement avec le montant à payer.
La surprise est d’autant plus grande lorsque vous ne vous souvenez pas d’avoir, par exemple, passé le jour dit au carrefour où vous êtes censé avoir brûlé un feu rouge. Vous consultez donc votre agenda et constatez avoir prêté votre véhicule à un ami ce jour-là. Que faire?
Dans tous les cas, vous pouvez bien sûr transmettre son identité à la police (un formulaire ad hoc est souvent automatiquement joint), laquelle se chargera alors de lui faire parvenir le constat d’infraction et lui demandera de payer l’amende. Mais vous pouvez aussi directement lui transmettre le dossier en lui demandant de payer à votre place, sans que la police n’en sache rien. La police lausannoise mentionne d’ailleurs clairement cette possibilité.
Suspicions
Quelle différence pour vous? Depuis le 1er septembre 1996, plus aucune: vous bénéficiez en effet de l’anonymat absolu. Mais tel n’a pas toujours été le cas, d’où certaines suspicions bien légitimes!
Il y a deux ans encore, la loi fédérale sur les amendes d’ordre (LAO) prévoyait que toutes les amendes de 80 fr. et plus étaient «portées à la connaissance de l’autorité compétente en matière de circulation, dans le canton de domicile du contrevenant». Et qu’elles étaient inscrites au registre cantonal des peines.
L’affaire des fiches
Pour les amendes inférieures à 80 fr., le contrevenant qui payait sur-le-champ recevait une quittance sans mention de son nom et le tour était joué. Mais s’il ne réglait pas son dû immédiatement, la procédure à suivre devenait la même que pour une amende à inscrire... Autant dire qu’un nombre considérable d’amendes d’ordre pour avoir dépassé la durée du parcage autorisé (20 fr. à l’époque) ont dû suivre cette filière!
Mais dans le début des années 90, l’affaire des fiches a poussé la Confédération à complètement revoir tout ce qui touchait le droit de la personnalité. Une nouvelle ordonnance, entrée en vigueur le 1er janvier 1992, a donc aboli l’enregistrement automatique des amendes d’ordre dépassant un certain montant.
Mais l’article 10, al. 3, laissait encore une marge appréciable à la police, qui pouvait dénoncer un contrevenant plutôt que de prélever une amende d’ordre «s’il apparaît qu’il mérite une peine plus sévère pour avoir commis des contraventions à plusieurs reprises». Or, impossible de dénoncer sans donner de nom. Donc plus d’anonymat!
Il a fallu attendre la nouvelle LAO, entrée en vigueur le 1er septembre 1996, pour que cet article soit également abrogé et que l’anonymat devienne total pour les amendes d’ordre. Logiquement, un même conducteur peut donc quotidiennement brûler un feu rouge: cela risque de lui coûter cher, mais il ne devrait pas être inquiété.
Gare au délai
Attention toutefois: l’anonymat n’est garanti qu’aux contrevenant payant dans les délais impartis (30 jours). Si tel n’est pas le cas, la police fera suivre le dossier auprès de l’autorité de jugement compétente, qui n’est tenue ni au montant de l’amende (elle peut donc être revue à la hausse et sera de toute façon augmentée des frais de procédure), ni à l’anonymat!
Christian Chevrolet