Plusieurs mois après son retour d’Italie, Maurice a eu la surprise de recevoir une amende de 50 euros pour un petit excès de vitesse commis pendant ses vacances. Notre lecteur s’étonne qu’on le recherche en Suisse pour si peu, mais surtout, il se demande ce qu’il risque s’il ne la paie pas. La réponse est nuancée: il ne sera pas forcément poursuivi en Suisse par l’Italie pour une infraction si minime, mais ses coordonnées resteront sans doute enregistrées dans une banque de données italienne. Et il risque fort de se faire intercepter lors d’un prochain passage de frontière.
En effet, une crainte souvent exprimée par des automobilistes voyageurs se révèle être fondée: la plupart des pays disposent bel et bien de systèmes d’enregistrement des données des auteurs d’infractions à la circulation routière. Si les petites incartades
– telles qu’un parcage non autorisé – sont rarement consignées, un simple excès de vitesse peut l’être, comme le révèle la mésaventure de notre lecteur.
Si les Etats conservent les données des mauvais conducteurs, ils ne se donnent pas tous la même peine pour faire passer ces derniers à la caisse. En fait, la situation varie beaucoup d’un pays à l’autre, en fonction des accords conclus avec la Suisse.
> En Allemagne – Si on peut y circuler à tombeau ouvert sur les autoroutes, ce pays ne fait pas de quartier pour les auteurs d’infractions routières résidant en Suisse. Et notre pays rend la pareille aux Allemands sur la base d’un accord bilatéral. Les deux pays s’échangent en effet quotidiennement leurs données, sous le pilotage (pour la Suisse) de l’Office fédéral des routes. Concrètement, l’Allemagne fournit à la Suisse le numéro de plaques de l’automobiliste fautif et reçoit en retour les coordonnées de ce dernier. Ce qui lui permet bien sûr de lui adresser la facture.
> En Italie – Conformément à un accord, la Suisse et l’Italie se livrent mutuellement les données relatives aux infractions routières. Le système d’échan-ge (via un centre basé à Chiasso) n’est pas aussi performant qu’avec l’Allemagne, mais il débouche tout de même sur des milliers d’amendes reçues en Suisse chaque année.
> En France – La Suisse a passé avec la France le même type d’accord qu’avec l’Italie, mais les polices de l’Hexagone sont moins promptes à rechercher les conducteurs helvétiques que les pandores italiens. Les demandes adressées à la Suisse (à une centrale basée à Cointrin, GE) ne concernent en principe que les infractions d’une certaine gravité, en relation par exemple avec un accident.
> Dans les autres pays – En l’absence de conventions bilatérales, les autres pays ont la possibilité de déposer une requête directement auprès d’une police cantonale. Dans la pratique, ces démarches sont rares, du moins pour les infractions de peu de gravité. Mais cela n’empêche pas ces pays, comme on l’a vu, de conserver les numéros de plaques dans une banque de données et d’intervenir lors d’une future entrée sur leur territoire.
Par ailleurs, les Suisses qui louent des voitures à l’étranger ont moins de chances d’échapper à l’amende en cas d’infraction. Les agences de location ne se priveront pas de leur réexpédier la facture, ne serait-ce que pour un simple dépassement du temps de parcage…
Suzanne Pasquier
le juge A dit
Permis retiré à l’étranger, pas en Suisse
Un Saint-Gallois a été privé du droit de circuler en Allemagne suite à un excès de vitesse commis dans ce pays. Du coup, il s’est vu retirer son permis de conduire en Suisse pour trois mois, en application d’une ordonnance fédérale. Fâché, il a recouru jusqu’au Tribunal fédéral (TF), qui lui a donné raison*. Un retrait de permis représente une atteinte grave aux intérêts de la personne concernée, ont estimé les juges. Une telle mesure doit reposer sur une loi, et non sur une simple ordonnance. Cette décision marque un changement de jurisprudence pour le TF, qui a jusqu’à présent toujours admis qu’une interdiction de conduire à l’étranger peut occasionner un retrait de permis en Suisse.
* Arrêt 6A.106/2006