Alexander Graham Bell, père officiel du téléphone, n’avait certainement pas prévu que son invention deviendrait, un jour, un instrument de torture généralisé. Impossible, en effet, d’échapper au harcèlement des centres d’appels qui sonnent du matin au soir, même le week-end, pour vous vendre du vin, de la gelée royale, un abonnement téléphonique ou une assurance.
Selon un sondage DemoScope, mené au début de l’année, un tiers des personnes âgées de 35 à 74 ans, reçoivent au moins cinq appels par semaine. Et, deux fois sur trois, l’interlocuteur cherche à placer une assurance, surtout en automne lors que les nouvelles primes des caisses maladie sont connues.
Sur la sellette
Notre Service juridique enregistre ainsi de nombreuses plaintes de lecteurs importunés, très souvent au nom du Groupe Mutuel:
«Je reçois des appels d’une dame deux fois par semaine depuis plus de quatre mois», témoigne, par exemple, Alain Prommaz (photo). «Quand j’ai dit que je ne désirais pas de publicité, l’opératrice m’a rétorqué qu’il s’agissait d’une campagne d’information pour ne pas payer des assurances à double», s’agace, de son côté, Christiane Bloch.
Pas étonnant que le Groupe Mutuel (GM) soit régulièrement sur le banc des accusés, explique son porte-parole, Jean-Michel Bonvin. Avec ses quatre caisses maladie totalisant 580 000 assurés, il est le plus connu, et donc aussi le plus exposé au démarchage intempestif. Sans mentionner de chiffres, le GM indique qu’il collabore avec cinq centres d’appels, dont deux en Suisse romande, ayant pour mission de décrocher des contrats dans le domaine des assurances complémentaires. Ces «call centers» sont tenus de respecter les règles déontologiques établies par l’Association suisse de marketing direct et ont signé une charte de qualité qui les obligent à afficher le numéro d’appel, à s’annoncer de manière identifiable et à respecter l’astérisque (lire encadré).
Appels sauvages
L’assureur indique avoir reçu «quelques dizaines de plaintes» de clients harcelés. Mais les appels proviendraient à chaque fois de «call centers sauvages», basés le plus souvent à l’étranger, qui usurpent l’identité du groupe en se cachant derrière un numéro local pour «tromper l’ennemi».
Le Groupe Mutuel affirme avoir déposé des actions pénales contre inconnus pour concurrence déloyale. Des enquêtes sont en cours, tout en sachant que, dans la plupart des cas, il est impossible de remonter la filière.
Une plainte par jour
Sous la pression politique et des associations de consommateurs, les assureurs actifs dans l’assurance de base ont signé un accord, en vigueur depuis le 1er juin 2011. Censé freiner l’ardeur des courtiers, cet engagement interdit le démarchage direct pour l’assurance obligatoire de soins. D’autre part, il limite à 50 fr. la rémunération payée pour la conclusion d’une assurance de base, y compris via les comparateurs commerciaux. Entre le 1er juin 2011 et le 31 mai 2012, 356 assurés importunés ont déposé une plainte auprès de santé suisse, la faîtière des assureurs. Parmi celles-ci, 125 sont des infractions avérées à l’accord, dont 80 étaient le fait de courtiers illégitimes. Enfin, dans 36 cas, le nom d’un assureur a été cité sans qu’il soit possible d’identifier qui se cachait derrière l’appel.
Philippe Chevalier
Lien du mois: stop au harcèlement téléphonique!
CONSEILS PRATIQUES
Limiter les appels importuns
Préventivement
> Faire inscrire un astérisque dans l’annuaire téléphonique, en ligne* ou par téléphone (0848 86 80 86), afin de signifier son refus des appels publicitaires.
>Consulter notre liste noire sur www.bonasavoir.ch/alerte_conso.php et nous signaler les démarcheurs sauvages que vous repérez.
> Bloquer les appels masqués au moyen des commandes *99# .
> Décocher l’option «J’accepte que mes données soient transmises à des tiers», en cas de participation à un concours ou à un sondage.
Sur le moment et après coup
> Indiquer clairement que vous n’êtes pas intéressé, demander les coordonnées de la société mandataire et signaler fermement à votre interlocuteur qu’il viole la loi sur la concurrence déloyale.
> Dénoncer les cas en ligne sur le site www.santesuisse.ch* ainsi qu’au Secrétariat d’Etat à l’économie: www.seco.admin.ch*.
*Adresses en lien sur www.bonasavoir.ch/liens_mois.php.