Grâce au développement de la prophylaxie et à la généralisation du sel fluoré, les cas de carie dentaire avaient chuté entre les années soixante et la fin des années quatre-vingt, pour ne toucher «que» 15 à 16% des écoliers. Et voilà que depuis une dizaine d’années, elle regagne sournoisement du terrain: environ 20% des gosses entre 4 et 12 ans en souffrent, ce qui représente une augmentation de 4 à 5%.
Cette tendance a été notamment constatée à Lausanne, Genève, Neuchâtel et Fribourg, comme l’a révélé une récente réunion des chefs de cliniques dentaires scolaires romands. Une fois n’est pas coutume, ceux-ci ont tiré la sonnette d’alarme: il faut absolument promouvoir une alimentation plus saine et une hygiène accrue.
Mais comment en est-on arrivé là, alors que la prophylaxie n’a jamais été aussi présente dans les écoles? Le docteur Etienne Barras, président de la commission romande de la SSO (Société suisse d’odonto-stomatologie), l’association faîtière des dentistes, dégage plusieurs facteurs:
- Les enfants consomment toujours plus de mets et de boissons sucrées entre les repas: récréation, goûter, collations à tout moment de la journée, bonbons.
- Le nombre d’enfants immigrants n’ayant pas bénéficié d’une bonne prophylaxie avant l’école a augmenté au cours des années nonante.
- Les jeunes parents d’aujourd’hui ont bénéficié d’une alimentation saine et d’une bonne hygiène dentaire. Ils pensent donc qu’avoir de bonnes dents, ça va de soi.
L’appel du sucre
• Pour éviter de frustrer leurs petits, les parents cèdent trop souvent à la tentation de leur donner des boissons ou des mets sucrés. Or, le sucre amène le sucre: une douceur consommée à 10 h provoque une sécrétion d’insuline qui, lorsqu’elle chute une heure plus tard, crée une nouvelle envie de sucre.
• Les adeptes d’une alimentation saine en font parfois trop: les jus d’orange et de pomme ont des effets ravageurs sur les dents! Leur acidité attaque immédiatement l’émail.
Les dentistes ne se bornent pas à dresser un constat. «Lors de notre réunion au niveau romand, nous avons décidé de repenser la prévention, explique Susanne Hansen, responsable du Service dentaire des écoles lausannoises. Nous allons collaborer avec les animateurs-santé, afin de promouvoir ensemble une alimentation saine dans les écoles. Nous aimerions aussi, comme à Bâle, collaborer avec les pédiatres pour détecter les petits patients à risques: un test de salive permet de les repérer dès l’âge de deux ans.»
Car la carie n’est pas que l’affaire des dentistes: elle est un révélateur de la malbouffe, qui touche de plus en plus de gosses.
Suzanne Pasquier
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Quelques trucs pour ménager les dents
Se brosser les dents après les repas principaux n’est pas très utile si par ailleurs on «boulotte» à tout moment de la journée. Il faut donc limiter les collations et boissons sucrées.
- A la récré, éviter les biscuits et le chocolat, mais aussi les barres de céréales, composées jusqu’à 60% de sucre. Attention aux tranches vantées pour contenir l’équivalent d’«un verre de lait», qui sont de véritables bombes sucrées. Leur préférer des fruits, petits pains, petits sandwiches au fromage ou au jambon.
- Se brosser les dents après l’absorption de sucre. Donc plutôt après le goûter qu’après un dîner sans dessert ni boisson sucrée.
- Donner du sucré (avec modération!) plutôt comme dessert: il «profitera» du brossage des dents lorsque celui-ci est installé comme une habitude après le repas.
- Après avoir bu du jus de pomme ou du jus d’orange, se rincer la bouche à l’eau. Attendre un quart d’heure avant de se brosser les dents.
- Surveiller le brossage des dents des enfants, vérifier le résultat.
- Le gel fluoré (à appliquer sur les dents une fois par semaine) n’est indiqué que pour les enfants qui ont fréquemment des caries. Pour les autres, le fluor contenu dans le sel et le dentifrice suffit.
- Ne pas se rincer la bouche après le brossage: le fluor du dentifrice agit plus longtemps sur l’émail.
- S’il n’est pas possible de se brosser les dents après le sucré, mâcher un chewinggum (sans sucre!): la mastication active la production de salive, qui a la faculté de neutraliser les acides induits par la consommation de sucre. Mais le chewinggum n’est qu’un pis aller.