Prendre la route sous l’effet de l’alcool a de lourdes conséquences. En 2002, 15 809 permis de conduire ont été retirés pour cette infraction et 93 personnes ont trouvé la mort dans des accidents causés par des conducteurs en état d’ivresse. Un grand nombre d’automobilistes sous-estiment le danger. Or, avec un taux de 0,6‰ d’alcool dans le sang, on double le risque de causer un accident au volant. Et si on atteint les 0,8‰, le risque est quatre fois plus élevé que pour un conducteur à jeun.
En Suisse, la limite légale tolérée pour un automobiliste est de 0,8‰. Ce taux aurait dû passer à 0,5‰ le 1er janvier dernier, mais l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition a été repoussée à 2005.
Ce retard n’a pas empêché les conducteurs suisses de déjà se ruer sur les différents appareils permettant de mesurer soi-même son taux d’alcoolémie. L’an dernier, pas moins de 50 000 Safe Mate ont ainsi été vendus, tandis que la Croix-Bleue suisse a écoulé 100 000 éthylotests de marque Contralco.
La vente de ces alcootests ne nécessite aucune autorisation, et ils ne sont soumis à aucun contrôle officiel. Pourtant, les importateurs n’hésitent pas à laisser entendre que leur efficacité égale celle des appareils utilisés par les forces de l’ordre.
Jusqu’à la limite
Ce type d’appareil est une des bêtes noires du Bureau suisse de prévention des accidents (bpa). Son vice-directeur, Raphaël Huguenin met en garde: «Le danger de réaliser soi-même un alcootest, c’est que l’automobiliste va boire jusqu’à la limite légale.» Un avis partagé par le TCS et le Département fédéral des routes, lequel déconseille carrément l’utilisation de ces tests.
Pire encore: les conducteurs risquent de dépasser le taux légal sans le savoir! En effet, notre test comparatif d’un échantillon de cinq modèles démontre qu’on ne peut pas trop se fier aux mesures de ces éthylotests. Nous les avons confrontés à l’appareil utilisé par les polices de 21 cantons. Le «cobaye», un homme de 80 kg, à jeun, a bu cinq bières en tout. Après les trois premiers verres, l’appareil de référence (voir tableau ci-dessous) indiquait un taux de 0,55‰, et 0,82‰ après le cinquième. Les mesures obtenues par trois des articles testés étaient fort différents:
• Les valeurs indiquées (pour 3 ou 5 bières) par le Safe Mate étaient trop basses. Même en fin de test, l’appareil n’affichait toujours que 0,5‰. Or, GastroSuisse, la société des cafetiers-hôteliers suisses, vend ce modèle à ses membres. Sa vice-présidente, Brigitte Meier-Schmid se défend: «Nous avons toujours mis en garde: un client ne devrait pas se baser exclusivement sur le résultat de ce test pour déterminer sa capacité à prendre le volant.»
• Même double échec pour l’appareil de Contralco. «Nos éthylotests sont contrôlés en France», relève Walter Liechti, directeur commercial de la Croix-Bleue pour la Suisse alémanique.
• Le modèle de Delsana, vendu par Migros a constamment fourni des valeurs trop élevées. Nous avons même analysé l’haleine d’un enfant de 2 ans, à qui nous avions fait boire un verre de jus de pommes. L’appareil a «détecté» un taux de 0,2‰ d’alcool dans son sang!
«Il s’agit seulement d’un accessoire qui permet d’éviter de rouler sous l’influence de l’alcool, commente Urs-Peter Naef, porte-parole de Migros. Du reste, nous indiquons qu’il présente une certaine imprécision sur l’emballage.»
• L’appareil le plus cher du test, l’Alco-control easy, s’est, en revanche, révélé assez fiable.
• Quant à l’Alcodisque, de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies, il fournit de bons repères. Comme un disque de stationnement, il suffit de tourner la partie mobile jusqu’à trouver son poids pour connaître la quantité d’alcool qu’on peut consommer.
Marc Meschenmoser / jf
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