Vêtements, chaussures, livres, CD... Attirés par un euro faible face au franc et par un dollar qui l’est tout autant, les Suisses sont toujours plus nombreux à faire leurs emplettes sur des sites étrangers. Et pour cause! Les prix y sont généralement concurrentiels et le consommateur peut aussi se procurer des produits indisponibles ici.
Voilà pour la théorie. Dans la pratique toutefois, ce qui devait être l’affaire du siècle réserve parfois de mauvaises surprises, comme le montre notre enquête menée en collaboration avec l’émission On en parle (RTS, La Première). Nous avons en effet commandé un coffret DVD de la série The Big Bang Theory sur neuf sites – trois basés en Suisse et six autres en France – comme le ferait Monsieur ou Madame Tout-le-Monde (voir tableau). Nous avons opté pour un mode de livraison express lorsque cela était possible.
Moins cher en Suisse!
Contre toute attente, c’est un site helvétique qui arrive en tête de notre classement. Sur Exlibris.ch, filiale de Migros, le coffret DVD coûte 73.90 fr. contre 61.03 € (74.29 fr. au cours du jour où nous avons passé commande) pour Amazon, le site étranger le moins cher de notre sélection. Le même coffret coûte respectivement 84.90 fr. et 99.90 fr. sur Soundmedia.ch et Cede.ch.
La facture d’Amazon a pourtant pris l’ascenseur, pour atteindre 100.20 fr., soit au final 35% de plus que le prix de vente indiqué sur le site. Du coup, il se révèle moins avantageux que les deux autres sites helvétiques! Mais il y a pire encore: Priceminister.com nous a délestés de 136.95 fr., alors que le prix affiché au départ était de 79.90 € (97.29 fr.), ce qui représente tout de même une augmentation de 41%! De quoi assommer le consommateur suisse et le faire réfléchir à deux fois avant de réitérer l’expérience.
Ça taxe un max!
La faute à qui? A une série de taxes qui viennent s’ajouter au prix d’achat du produit.
A commencer par les frais de livraison. En règle générale, le transporteur les répercute pour les commandes passées en Suisse, comme à l’étranger. Exlibris.ch, Soundmedia.ch et Cede.ch n’ont toutefois rien facturé. De leur côté, les commerçants français n’y ont pas renoncé. La palme revient à Rdmshopping qui nous a réclamé pas moins de 40 € pour une livraison standard (48.69 fr.). Et, cerise sur le gâteau, le colis ne nous a toujours pas été livré, alors que le montant de la facture a, lui, bel et bien été débité de notre carte de crédit. Interpellé, le vendeur répond que les commandes prennent un peu de temps parfois. Il propose toutefois de nous rembourser si l’attente s’avère trop longue.
Le client devra encore s’acquitter des frais de dédouanement. Contrairement à ce que leur nom laisse présager, ce n’est pas la douane qui les perçoit mais le transporteur (DHL, UPS, La Poste, TNT, Swiss Post International, etc.). Le hic, c’est que le consommateur n’a pas son mot à dire. C’est en effet le vendeur qui décide du transitaire à qui il fait appel! Chacun ayant ses propres politiques tarifaires, le montant des frais de dédouanement varie par conséquent considérablement de l’un à l’autre.
Chez Amazon, qui passe par UPS, ils se montent à 5.06 € (6.15 fr.) «seulement», alors qu’ils atteignent 22.50 fr. pour l’envoi de la Fnac livré par DHL! La commande passée sur Chapitre.com y a en revanche échappé. Selon Swiss Post International, il s’agit d’une erreur. «Le colis a, semble-t-il, passé entre les gouttes au moment de son passage en douane», nous a-t-il précisé. Nous avons donc réalisé au passage une économie de 15.10 fr.
Selon le surveillant des prix, Stefan Meierhans, ces frais élevés sont malheureusement inévitables «car la Suisse n’est pas membre de l’Espace économique européen. Ils sont particulièrement problématiques pour les achats de faible valeur, car leur montant est parfois supérieur à la valeur de l’envoi.» Monsieur Prix a d’ailleurs reçu de nombreuses plaintes de consommateurs mécontents à ce sujet au cours des dernières années. La situation s’est quelque peu améliorée depuis, des accords ayant été passés avec plusieurs transitaires, dont DHL et La Poste en 2011 et TNT en 2012. D’autres négociations sont actuellement en cours.
La TVA doit être déduite
A ce stade, les économies potentielles réalisées en achetant à l’étranger sont déjà bien entamées! Et ce n’est pas terminé. Le consommateur suisse devra encore s’acquitter des éventuels droits de douane. Calculés selon le poids brut de l’envoi postal, ils sont généralement inférieurs à 1 fr. par kilo et ne sont perçus que s’ils dépassent les 5 fr. Ce qui a permis à nos commandes d’y échapper.
Pour clore le savant calcul des redevances, notre Homo Helveticus devra enfin s’acquitter de la TVA suisse. Tous les envois en provenance de l’étranger sont en effet taxés dès lors que celle-ci est supérieure à 5 fr. Les colis ne dépassant pas 62.50 fr. pour une TVA de 8% et 199 fr. en cas de TVA réduite à 2,5% (livres et revues publicitaires, médicaments, produits alimentaires et boissons non alcooliques) en sont donc exemptés. Perçue par la Confédération, elle est calculée sur la valeur de la marchandise, augmentée des droits de douane, s’il y en a, et des frais facturés par le transporteur.
Bonne nouvelle: la TVA du pays d’expédition doit en revanche être déduite automatiquement du montant de la facture. Notre commande passée en France, s’est donc vu amputer de 19,6% de son prix. Si le vendeur a omis de déduire le montant de la TVA étrangère, il faudra alors contester la facture et exiger son remboursement. Pas toujours évident à faire selon le pays dans lequel le site est domicilié. Mieux vaut donc s’assurer que la déduction a bien été faite avant de valider sa commande.
Au final, les achats à l’étranger ne sont donc pas nécessairement l’eldorado tant attendu. Dans notre cas, les sites suisses sont même plus avantageux que leurs homologues étrangers. Et, malheureusement pour lui, le consommateur ne le découvre, dans le meilleur des cas, qu’à la réception du colis, voire plusieurs jours ou des semaines plus tard, au moment de recevoir la facture du transporteur dans sa boîte aux lettres!
Chantal Guyon
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.