Alors qu’il s’approche d’une intersection, Pierre(*) est contraint de procéder à un freinage d’urgence. Le conducteur qui le suit ne peut s’arrêter à temps et heurte l’arrière de son véhicule. Les deux conducteurs descendent de leur voiture et une discussion «nourrie» s’ensuit. Les esprits s’échauffent quelque peu. Une dizaine de minutes plus tard, Pierre est soudain pris d’un malaise.
On le transporte d’urgence à l’hôpital, où les médecins constatent une hémiplégie du côté gauche, consécutive à une hémorragie cérébrale d’origine hypotensive. D’un incident sans importance – la collision n’a entraîné que des dommages matériels dérisoires – la vie de Pierre bascule: il devient invalide, totalement et définitivement.
Désormais incapable de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille par le revenu de son travail, Pierre recourt aux assureurs. L’assurance invalidité (AI), qui l’estime inapte au travail et juge irréaliste un reclassement professionnel, lui alloue une rente entière, soit 2000 fr. par mois environ. Une somme qui ne saurait toutefois suffire, même complétée par des rentes pour son épouse et ses enfants. Pierre s’adresse donc simultanément à son assurance accidents obligatoire. Après examen du dossier, celle-ci refuse cependant de prendre en charge les conséquences de son incapacité de gain.
Loi inégale
Elle en a le droit. Selon la loi sur l’assurance accidents, les prestations ne sont en effet allouées qu’en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel ou de maladie professionnelle. Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire. L’atteinte peut être de nature tant physique que psychique. Mais un traumatisme psychique ne constitue un accident que lorsqu’il est le résultat d’un événement d’une grande violence de nature à perturber l’équilibre psychique de la victime.
Dans le cas de Pierre, il n’y a eu aucune blessure, même superficielle, lors de la collision. Selon les médecins, l’hémorragie cérébrale a été la conséquence d’un choc émotionnel survenu après la collision. Et pour le Tribunal fédéral, finalement amené à trancher l’affaire, ni la collision, ni l’échange de propos vifs qui l’a suivie ne sauraient être considérés comme des événements extraordinaires excédant le cadre des situations que l’on peut objectivement qualifier d’habituelles. Pierre n’a pas été exposé à un événement dramatique propre à faire naître une terreur subite. En conséquence, l’assureur accidents peut bel et bien refuser toute prestation...
Notre système d’assurance sociale présente cette particularité qu’il distingue l’incapacité de travail selon qu’elle résulte d’un accident ou d’une maladie. En cas d’invalidité permanente causée par un accident, l’assureur accidents sert une rente viagère qui s’élève à 80% du gain assuré. La couverture d’assurance est alors satisfaisante, voire bonne. En revanche, si l’invalidité résulte d’une maladie, la couverture est plus aléatoire. Il n’existe plus d’obligation d’assurance. Salarié dans une grande entreprise, Pierre bénéficie d’une police d’assurance perte de gain collective qui lui verse le 80% de son salaire durant 720 jours. Mais à cette échéance, il ne pourra plus compter que sur les prestations de l’assurance-invalidité, complétées par celles de sa caisse de retraite.
Urgence
La délimitation de la notion légale de l’accident est délicate. Elle a suscité une jurisprudence abondante mais pas toujours cohérente. Parce qu’il a été jugé «malade», Pierre plonge dans la précarité. Si l’hémorragie avait été la conséquence du choc des deux véhicules, donc d’un accident, sa situation – sur le plan financier – aurait été largement meilleure. Rien ne justifie une telle différence de traitement qui aboutit souvent à des situations sociales dramatiques. Il serait urgent que notre système de couverture sociale soit revu de telle sorte que l’incapacité de gain soit assurée de la même manière quelle que soit sa cause.
Joël Crettaz
Assuas Vaud
(*) Prénom fictif, histoire réelle.
ASSUAS
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