Chaque année, on dénombre près de 45 000 accidents de ski alpin en Suisse. Dans l’immense majorité des cas, les personnes se blessent toutes seules. C’est l’assurance accidents obligatoire qui prend en charge ces cas. Lorsque le blessé n’est pas salarié, la caisse maladie traite le dossier, et l’assuré doit alors s’acquitter de la franchise.
Quelque 5% des accidents résultent en revanche de chocs entre skieurs. S’il y a des dommages, toute la question est de savoir à qui incombe la faute, puisque c’est le fautif qui paiera. L’article 41 du Code des obligations, qui traite globalement de la question de la responsabilité, stipule qu’il faut pouvoir établir un lien de causalité entre le dommage et la faute. Mais que peut-on considérer comme un agissement fautif sur une piste de ski? C’est la question que se sont posée les juges, puisqu’il n’existe pas de «code de la route pour la circulation à skis» dans le droit suisse. Nos magistrats sont donc partis à la recherche de références et ont retenu les dix règles de bon comportement sur les pistes (1) édictées par la Fédération internationale de ski (FIS). Avec le temps, ces dernières sont devenues incontournables. La règle 6 dit par exemple que tout skieur doit «éviter de stationner sans nécessité sur les pistes dans les passages étroits ou sans visibilité». Transgresser cette recommandation équivaut tout simplement à endosser une part de responsabilité en cas d’accident.
Les trois situations suivantes montrent comment les responsabilités peuvent être déterminées et les dommages couverts par les assurances:
M. Innocent skiait tranquillement lorsqu’il a été percuté par M. Imprudent, un vrai casse-cou. M. Innocent a terminé à l’hôpital.
La responsabilité du casse-cou est évidente. Celui-ci a ainsi enfreint plusieurs règles FIS dont la première qui stipule que «tout skieur et snowboarder doivent se comporter de telle manière qu’ils ne puissent mettre autrui en danger ou lui porter préjudice». Dans un premier temps, l’assurance accidents de M. Innocent va prendre en charge ses frais médicaux et la perte de gain. Si la victime n’était pas salariée, sa caisse maladie couvrirait les frais médicaux, déduction faite du montant de la franchise et de la quote-part de 10%. Dans un deuxième temps, l’assurance accidents – ou la caisse maladie – va se retourner contre l’assurance responsabilité civile (RC) privée de M. Imprudent, pour autant que celui-ci en ait une, sans quoi il devra payer les frais de sa poche. S’il est établi que le fautif a commis une faute grave, par exemple qu’il était en état d’ébriété, sa RC peut réduire ses prestations.
M. Mauvaisarret n’a pas pu éviter un skieur qui a freiné brutalement devant lui.
Qu’en est-il des responsabilités?
Dans la mesure où le skieur n’avait pas de bonnes raisons de freiner brutalement, comme cela aurait été le cas s’il avait dû éviter une personne gisant à terre ou un obstacle qui n’était pas visible de loin, il devra en répondre. Toutefois, de son côté, M. Mauvaisarret n’a pas été capable de s’arrêter à temps pour éviter l’autre skieur. La règle
FIS 3 précise ainsi que «le skieur (ou snowboarder) en amont, dont la position dominante permet le choix d’une trajectoire, doit prévoir une direction qui assure la sécurité du skieur ou snowboarder en aval». M. Mauvaisarret porte donc une part de responsabilité et devra supporter en partie les conséquences de l’accident.
M. Maladroit est tombé d’une arbalète et M. Lapoisse, le skieur qui se trouvait sur l’arbalète suivante, s’est blessé en chutant sur lui.
Qui est responsable?
Un quidam ne peut être tenu pour responsable des dommages causés que s’il est notamment possible de prouver qu’il a commis une faute. Une telle preuve est souvent difficile à apporter. Dans le cas présent, il faudra établir si la chute de M. Maladroit est consécutive à un défaut des installations ou si les normes de sécurité étaient insuffisantes. Dès lors, l’exploitant de l’installation pourrait être tenu pour responsable. En tout état de cause, l’assurance accidents de M. Lapoisse se chargera des frais du traitement médical ainsi que des éventuelles indemnités journalières. S’il s’avère finalement qu’un tiers peut être tenu pour responsable, l’assurance se retournera alors contre lui.
Sébastien Sautebin
(1) www.fis-ski.com/fr –> FIS interne –> Règlements généraux –> 10 règles de conduite