Solidaire, un couple marié? Sans doute, mais pas obligatoirement pour les dettes contractées par un seul des conjoints. Si, par exemple, Monsieur s’achète, à crédit, une installation de home cinéma, pas question que Madame soit recherchée par le créancier. Et si celle-ci craque pour un vêtement griffé au-dessus de ses moyens, elle est priée d’en assumer les conséquences.
Autrement dit, comme dans un couple non marié, chacun est responsable de ses dettes. Ce principe souffre cependant une exception de taille: les époux répondent ensemble des dépenses effectuées par l’un d’eux pour les besoins dits «courants» du ménage (art. 166 du Code civil). Toutefois, cette solidarité tombe avec la fin de la vie commune, même lorsqu’il s’agit d’une séparation de fait, indépendante de toute décision de justice.
La difficulté consiste à définir ces besoins courants, qui peuvent différer en fonction du train de vie de la famille. Ainsi, un lave-vaisselle sera compris comme tel dans un ménage aisé, mais pas dans une famille de condition modeste. Même raisonnement pour les primes d’assurance maladie complémentaire.
Besoins courants
Les spécialistes ont tout de même dressé une liste de situations impliquant généralement la solidarité entre époux. Outre les dépenses habituelles de la vie quotidienne, elle comprend notamment: les frais de logement, les cotisations à l’assurance maladie de base, les frais médicaux, les dépenses d’éducation et de formation des enfants, le financement des vacances et des loisirs communs, les frais de déplacement et d’entretien de la voiture.
Dans tous ces domaines, les dettes sont donc assumées par les deux conjoints, même s’ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens. En effet, ce régime n’aura une influence sur la situation du couple que plus tard, en cas de décès ou de divorce: à ce moment-là, les biens ne se partageront pas, à moins qu’ils aient été achetés en commun. De son côté, le régime ordinaire dit de la participation aux acquêts prévoit, lui, le partage des biens acquis par chacun pendant l’union.
Si une personne mariée contracte un crédit, elle n’engagera son partenaire que si l’emprunt porte sur un «besoin courant». Pour parer à cette disposition, les instituts financiers exigent parfois la signature des deux conjoints. Par ailleurs, la solidarité peut être instituée par la loi: c’est le cas pour les dettes d’impôts dans certains cantons.
Poursuites
Autre situation: si un conjoint s’endette pour acheter une voiture de luxe. L’autre ne pourra alors pas être recherché par les créanciers. Mais les dettes de l’un auront tout de même des conséquences pour l’autre en cas de procédure de poursuites. En effet, les autorités calculeront la part de salaire saisissable du débiteur en se basant sur le minimum vital du couple. Et lorsque le conjoint endetté verra son revenu réduit en raison de la saisie, c’est bel et bien son partenaire non endetté qui sera amené à dépenser davantage pour maintenir le train de vie du couple. Cette sorte de solidarité indirecte indui-te par une poursuite est d’ailleurs aussi vécue par les partenaires non mariés.
Mesures protectrices
Que faire si Monsieur ou Madame dépense sans compter, y compris dans le cadre des besoins courants du ménage? Si le dialogue échoue, son conjoint peut s’adresser au juge, à même de prendre plusieurs mesures, parmi lesquelles:
> Obliger les conjoints à se renseigner mutuellement sur leur situation financière.
> Fixer le montant dû par chacun pour l’entretien de la famille.
> Retirer le pouvoir de représenter l’union conjugale, à savoir de faire des dépenses pour les besoins courants du ménage.
> Ordonner à l’employeur du conjoint dépensier de verser une part du salaire à l’autre pour assurer l’entretien de la famille.
> Ordonner le régime de la séparation des biens.
Suzanne Pasquier
Informations complémentaires dans la brochure «Couple et dettes», publiée par le Centre social protestant, à commander au
tél. 021 320 56 81 (prix: 6 fr.)