C’est une histoire hallucinante, celle d’une suite de petites négligences qui, combinées à une position intransigeante de l’assurance Supra, va peut-être obliger une vieille dame résidant dans un home à payer plus de 13 000 francs d’hospitalisation. A 90 ans, Liliane Jaquier est un peu une miraculée. Elle a survécu à un cancer de la gorge, un cancer du sein et plusieurs mini-attaques cérébrales. C’est dire si elle se serait volontiers passée de la mauvaise surprise que lui a réservée son assurance complémentaire.
Complémentaire impayée
Tout commence le 16 août 2006. Supra envoie à Mme Jaquier un rappel pour l’assurance obligatoire accompagné d’une sommation pour l’assurance complémentaire suite au non-paiement de ses primes LaMal et LCA pour juillet-août-septembre. Supra rappelle que, faute de règlement des arriérés, le droit aux prestations complémentaires sera suspendu dans les 14 jours en vertu de la loi. Or, c’est le fils de Mme Jaquier qui s’occupe de «l’abondant courrier» reçu par sa maman et gère ses factures. Et si celle-ci n’avait «peut-être jamais reçu un seul rappel de toute sa vie», selon son fils, cette fois, M. Jaquier a omis de payer les primes de sa mère pour le trimestre juillet-août-septembre et il ne s’en est pas rendu compte. Peut-être a-t-il égaré le bulletin ou ne l’a-t-il jamais reçu.
Quoiqu’il en soit, M. Jaquier se décide à verser le montant dû lorsqu’il prend connaissance du rappel. Mais il le fait sans se rendre compte de l’urgence de la situation. Nous sommes alors le 8 septembre, et il commet une nouvelle bévue. N’ayant pas le bon bulletin, il règle l’arriéré avec celui d’octobre à décembre.
Ces petites négligences auraient pu se révéler bénignes si Mme Jaquier n’avait pas été hospitalisée d’urgence au CHUV le 10 septembre. Coût pour neuf jours de chambre en semi-privé: 13 681 fr.! Supra refuse alors de régler ce montant, arguant que son assurée était suspendue de son droit aux prestations complémentaires en raison du non-paiement des primes.
Certes, son fils a réglé l’arriéré (peu) après les 14 jours de délai légal et s’est trompé de bulletin, mais ce retard était exceptionnel pour Mme Jaquier, fidèle assurée de Supra. Et puis, avec 13 681 fr. de facture, ces bévues ne sanctionnent-elles pas de manière totalement disproportionnée la maman?
De surcroît, Supra dit avoir reçu le paiement le 11 septembre, mais un document BCV confirme qu’il a été effectué le
8 septembre. Le 10 septembre, jour où Mme Jaquier a été hospitalisée, elle ne devait donc plus un centime de primes à Supra, même si son fils a utilisé le mauvais bulletin.
Mauvaise volonté
Or, parlant du versement reçu le 11 septembre, Supra nous a affirmé que «la suspension de la prise en charge des prestations ne pouvait être le-vée qu’à cette date au plus tôt». L’assurance admet donc par là que Mme Jacquier aurait pu être couverte à nouveau à partir du 11 septembre, soit 24 heures après son hospitalisation! Pourtant, c’est l’intégralité de la période d’hospitalisation (du 10 au 19 septembre) que Supra refuse de couvrir. Tout aussi surprenant, M. Barbey, directeur de Supra nous a écrit que l’erreur de bulletin de M. Jaquier n’a joué aucun rôle dans ce refus justifié par le fait que «Mme Jaquier avait plus de deux mois de retard dans le règlement de ses primes d’assurance et qu’elle faisait l’objet d’une suspension de son droit aux prestations au moment de son hospitalisation». Or, dans un courrier adressé à M. Jaquier, signé par le même M. Barbey, il est clairement reproché à M. Jaquier de s’être trompé de bulletin. Que penser de telles contradictions?
Intelligemment, M. Jaquier a choisi de transmettre le dossier à l’Ombudsman des assurances sociales, qui, après avoir étudié les aspects juridiques, tentera une médiation. L’Ombusdman se refuse à commenter l’affaire tant qu’elle ne sera pas close. Pour l’instant, on retiendra qu’il est vivement conseillé de payer ses primes dans les délais pour éviter une situation cauchemardesque de ce type.
Sébastien Sautebin