C'est l'industriel Warren Buffet (fortune estimée à 50 milliards de dollars) qui a initié le mouvement, en se plaignant d'une fiscalité trop indulgente et en appelant les autorités à augmenter les impôts des Américains dont les revenus annuels dépassent le million de dollars. L'appel a vite fait tache d'huile en Europe, en France notamment, ou une vingtaine de grosses fortunes se sont spontanément dites prêtes à payer plus aussi. Rien de tel chez nous: à en croire les patrons suisses, la fiscalisation est telle qu'ils paient déjà bien assez, jusqu'à 60, voire 70% de leurs revenus selon les cas.
Vraiment? Tout dépend de ce que l'on prend en compte pour la comparaison.
Prenons l'exemple d'une grosse fortune (80 millions de francs), mariée et sans enfant, qui annoncerait un revenu imposable annuel de 3.6 millions de francs à Pully (VD). Le canton va lui réclamer 742 040 fr., la commune 337 960 et la Confédération (IFD) 207 000 fr., soit un total de 1 494 000 fr., ou 41,5% du revenu. Mais, «spécialité» suisse, sa (grosse) fortune est aussi imposée, de 409 937 fr. pour le canton et de 186 704 fr. pour la commune. Facture finale du fisc: 2 090 641 fr., soit – effectivement – 58,1% du revenu.
Ce que les patrons oublient de dire, c'est que si le bénéfice de leur fortune est incluse dans leur revenu (et donc imposé en tant que tel), cela n'est pas vrai pour les plus-values d'actions, contrairement à la plupart des pays voisins (France: 29%, Allemagne: 26,4%, Royaume-Uni: 40%) ou aux Etats Unis (15%). Reprenons notre exemple et admettons que 65% de sa fortune soit placée dans des actions rapportant en moyenne 5% l'an. Cela va lui rapporter 2,6 millions de francs supplémentaires. En France, notre multimillionnaire va devoir retourner 754 000 fr. au fisc; en Suisse, le gain est net d'impôts!
Du coup, on peut faire le calcul suivant. Revenu réel: 3.6 + 2.6 = 6.2 millions de francs. L'impôt (2 090 641 fr.) ne représente alors plus que 33,7%. Pas de quoi se faire plaindre…
Christian Chevrolet