Les enfants ou petits-enfants, devenus grands, ont beau voler de leurs propres ailes, il arrive néanmoins qu’une aide financière s’impose. Quelle est alors la meilleure manière de les soutenir? Faut-il donner ou prêter? Et quelles en seront les implications successorales et fiscales?
Le premier et le plus grand service qu’on puisse rendre à ses proches est de se montrer équitable, afin d’éviter les éventuelles – mais si communes – querelles familiales. Car, si chacun est libre d’user à sa guise de sa fortune, et donc d’en faire bénéficier quiconque de son vivant, il n’en demeure pas moins que tout ce qu’un enfant reçoit pourra être invoqué, plus tard, lors du règlement de la succession du défunt parent. Raison pour laquelle, le notaire Pierre Philippe Courvoisier recommande d’offrir, si possible, tout de suite une compensation aux autres membres de la famille.
Côté fiscal, les dons ne sont pas déductibles du revenu imposable de la personne qui donne (le donateur). Ils peuvent toutefois influencer à la baisse son impôt sur la fortune, s’il s’agit d’un gros montant.
En revanche, le généreux geste se traduira parfois par une hausse d’impôts chez le bénéficiaire: si les cantons de Neuchâtel et de Vaud sont les seuls à prélever encore un impôt sur les donations (lire encadré), certaines largesses s’additionnent néanmoins au revenu imposable partout, sans oublier l’impôt sur la fortune et ceux liés à la propriété d’un bien immobilier. Il est donc essentiel d’analyser l’impact fiscal de l’aide financière octroyée, afin que, au final, le cadeau ne s’avère pas empoisonné.
Le coup de pouce peut se décliner sous de très diverses formes avec, pour chacune, ses avantages et ses inconvénients. Nous en avons décortiqué sept.
- Donner de l’argent
Simple et très flexible, le don d’argent permet d’offrir un soutien ponctuel.- Succession: les sommes importantes seront peut-être déduites de la future part d’héritage revenant au bénéficiaire du don. Il est donc essentiel de conserver une trace écrite du versement, si nécessaire auprès d’un notaire.
- Fiscalité: dans la plupart des cas, le bénéficiaire ne devra pas payer d’impôts sur la donation, mais il faut prêter attention aux limites d’exonération fixées par NE et VD (lire encadré) et, si nécessaire, répartir la somme sur plusieurs années fiscales.
- Prêter sans intérêt
Le principe du prêt est qu’il se rembourse. Le donateur n’est donc pas définitivement dessaisi de son bien. Un contrat de prêt permettra de préciser les modalités du remboursement (lire TCF 11/2004).- Succession: si le prêt n’est pas remboursé au moment du décès du donateur, le solde sera pris en compte lors du partage de l’héritage.
- Fiscalité: pas d’impact fiscal, mais à condition qu’on prête de la fortune privée. Aussi, le prêt doit être accordé sans contrepartie. Si le bénéficiaire rend un service en échange, par exemple aider son aïeul à repeindre sa maison, alors, le fisc pourrait considérer qu’il s’agit d’un revenu et le taxer en tant que tel.
- Verser une pension
C’est une très bonne solution pour le bénéficiaire, qui profite d’un appoint financier régulier. Mais c’est plus délicat à gérer pour le donateur qui doit pouvoir y subvenir, quoi qu’il arrive. Pour garantir son versement à long terme, ou à vie (viagère), on peut par exemple la lier à une cédule hypothécaire.
Autre option: conclure une assurance rente. Le principe est simple: le parent paie la prime, l’enfant touche la rente, mais l’assureur encaissera quelque chose au passage. Il existe de multiples formules: rente temporaire ou viagère, immédiate ou différée, progressive ou dégressive, et le donateur peut choisir de verser une grosse prime unique ou plusieurs petites.- Succession: le montant total des rentes, cumulé des intérêts, peut entrer en ligne de compte lors de la succession.
- Fiscalité: une rente sera soumise à l’impôt sur les donations dans les cantons de NE et de VD, si le total des versements dépasse 10 000 fr. ou 50 000 fr. (lire encadré). Une rente ponctuelle n’est pas imposée sur le revenu, mais il n’est pas impossible que certaines autorités fiscales estiment qu’une rente viagère constitue un revenu et la taxent. Elles le feront dans tous les cas si le bénéficiaire offre une contrepartie à la rente. Attention, l’imposition des assurances rente est très complexe et variable selon le type de police, il est impératif de bien se renseigner.
- Offrir l’usufruit d’un portefeuille boursier
Le donateur reste propriétaire de ses titres, mais les intérêts et dividendes sont encaissés par l’enfant. Cette solution ne lui assure donc pas forcément des montants réguliers s’il s’agit d’actions notamment et, si la valeur des titres chute, l’enfant ne pourra pas les vendre, car il n’en est que l’usufruitier.- Succession: les intérêts et dividendes encaissés peuvent entrer en ligne de compte lors de la succession.
- Fiscalité: le bénéficiaire devra payer un impôt sur la fortune sur la valeur fiscale des titres et un impôt sur le revenu pour les intérêts et les dividendes perçus.
- Donner un logement
Un appartement, même offert, ne constitue peut-être pas une réelle aide financière, car la propriété génère de lourdes charges: impôts, entretien, dette éventuelle. Mais le bénéficiaire pourra mettre l’immeuble en garantie pour dégager des fonds ou le vendre.- Succession: la valeur du bien immobilier, au moment du décès, sera reportée lors du partage.
- Fiscalité: dans les cantons de NE et de VD, 80% de la valeur vénale du bien, moins une éventuelle hypothèque, sera imposée sur les donations. Et, partout, les impôts sur la valeur locative et la fortune seront reportés sur le nouveau propriétaire.
- Prêter un logement
Offrir un toit pendant quelque temps peut engendrer des situations délicates, car le proche ne sera pas un locataire ordinaire. A la longue, des travaux entraînant une plus-value seront sans doute entrepris par le résident. Un bail, même tacite, n’est pas facile à rompre non plus. Tandis qu’un droit d’habitation doit, lui, être inscrit au Registre foncier. - Succession: la valeur du bien, le fait de l’avoir occupé gratuitement pendant des années et les aménagements ultérieurs sont matière à conflits. Raison pour laquelle il faut absolument établir un pacte successoral auprès d’un notaire, signé par les héritiers, définissant qui aura la maison à terme et à quelle valeur.
- Fiscalité: qu’il s’agisse d’un prêt ou d’un droit d’habitation, les impôts sur la fortune demeurent à la charge du propriétaire, mais ceux sur la valeur locative seront, en principe, à la charge du bénéficiaire.
- Cautionner le loyer
Se porter garant du paiement du loyer d’un petit-fils, par exemple, lui permettra de se loger plus facilement. Cela n’entraîne aucune dépense, mais, si le petit-enfant ne verse pas son dû, le bailleur le réclamera aux grands-parents. Attention, en général, la garantie ne s’éteint qu’à la fin du bail: en cas de résiliation anticipée, il n’est donc pas exclu que les grands-parents continuent à cautionner le nouveau locataire… Des problèmes peuvent aussi arriver avec un colocataire insolvable.- Succession et fiscalité: aucun impact.
Joy Demeulemeester
BONUSWEB: Lois fiscales neuchâteloise et vaudoise
Le grand-père, le don et le fisc
Neuchâtel et Vaud sont les derniers cantons romands à encore imposer les donations faites aux enfants et aux petits-enfants. Précision: bien que l’impôt soit dû par le bénéficiaire, c’est le régime fiscal du canton de domicile des donateurs qui fait foi ou, pour les biens immobiliers, celui où il est situé.
Le canton de Vaud permet toutefois d’offrir jusqu’à 50 000 fr. aux enfants et 10 000 fr. aux petits enfants, par an, sans qu’ils aient à en céder une partie au fisc. Et celui de Neuchâtel jusqu'à 10 000 fr. aux enfants ou petits-enfants.