
Huiles d’olive vierges et inégales
Les huiles d’olive font un tabac en Suisse: les importations ont triplé ces quinze dernières années. Mais il y a surenchère, sur les prix et dans les termes.
Déguster des huiles d’olive, ça vous paraît farfelu? Pourtant, l’olive et son «jus» méritent la comparaison avec la vigne et le vin. Les mêmes peuples de l’Antiquité ont découvert l’usage et les bienfaits de l’un et de l’autre. Et ce sont les Phéniciens et les Grecs qui ont colonisé le pourtour de la Méditerranée avec l’olivier et la vigne.
Une huile méditerranéenne
Aujourd’hui encore, selon un rapport de l’Union européenne (UE), 98% des oliviers plantés de par le monde poussent dans le bassin méditerranéen. Dans l’UE, les oliveraies couvrent plus de 5 millions d’hectares et font vivre 2,5 millions d’oléiculteurs. L’huile d’olive reste une affaire principalement européenne: l’UE y consacre 2,3 milliards d’euros en aides publiques par an. Et, si les pays de l’UE produisent 70% de toute l’huile d’olive du monde, ils en consomment les 80% (le complément vient de Tunisie, Turquie, Syrie et Maroc).
Avec 1,35 kg par habitant d’huile d’olive consommée en 2003, les Suisses restent très loin derrière les Grecs (25 kg/hab.), les Italiens et les Espagnols (12 kg/hab.) et les Portugais (6,9 kg/hab.). Mais, surprise, à égalité avec les Français: 1,4 kg/hab. Et si, dans l’imaginaire, l’olivier représente la Provence, l’Hexagone demeure un nain de la production: 0,16% de celle communautaire, dominée par l’Espagne, l’Italie et la Grèce.
Le critère de la dégustation
Voilà pour les chiffres. Si l’univers de l’huile d’olive ressemble à celui du vin, c’est qu’on peut y parler de l’influence du sol, du climat (sécheresse, gel), des méthodes culturales, des variétés d’olives, de l’époque et du moyen de récolte et des «appellations d’origine contrôlée». Huile d’olive et vin sont associés au fameux «régime crétois» qui «produit» des centenaires à ne plus savoir qu’en faire (dixit Jean Ferrat!).
De fait, l’huile d’olive a le vent en poupe: depuis 1996, sa consommation ne cesse d’augmenter en Europe, à raison de 6% par an. Mais ce qui rapproche l’huile d’olive du vin, c’est que, très officiellement, pour les qualifier, les huiles doivent passer une épreuve de dégustation (lire rubrique).
Un goût changeant
Comme pour le vin, les goûts de l’huile d’olive peuvent s’apprécier différemment. L’Italie dicte le goût actuel pour des huiles plus «vertes», plus jeunes, où l’amertume et le piquant ressortent vivement. Exemples: l’huile toscane, classée première, et la «Gran Fruttato», huitième parce que jugée excessive en tout (amère, piquante et écœurante). Les Grecs, surtout, et les Espagnols suivent cette tendance, tandis que les Portugais et les Français préfèrent des huiles au goût mûr, qui pourraient même passer pour rances au palais italien!
Un conseil, enfin. En cuisine, l’idéal est de disposer de plusieurs huiles: une «simple» pour la vinaigrette, une «medium» pour les carpaccios, les antipastis, les pâtes, et une «expressive» pour la bruschetta, les poissons de mer ou la viande grillée.
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Les étiquettes jouent sur les mots
En Suisse, la part de l’huile d’olive vierge représente 88% et 64,6% de l’huile d’olive consommée provient d’Italie. Des notions un brin trompeuses. D’abord, les «huiles italiennes» sont souvent celles «confectionnées» en Italie. Sous-entendu, avec de la matière première achetée ailleurs: en Espagne, en Tunisie et en Turquie.
L’huile d’olive vierge est régie par le Règlement européen N° 1513/2001: elle est obtenue «à partir du fruit de l’olivier uniquement, par des procédés mécaniques ou d’autres procédés physiques, dans des conditions, thermiques notamment, qui n’entraînent pas d’altération de l’huile (…)». La notion de «première pression à froid» n’a donc plus de raison d’être.
Quant à l’huile d’olive vierge extra (terme exact en français; en italien, l’extra précède le «virgine»), elle est la moins acide (moins de 1 g d’acide oléique par 100 g). A la dégustation, elle doit être «exempte de tout défaut». Cette «tolérance zéro» est entrée en vigueur le 1er novembre 2003. Dans sa revue «Merum» (numéro 3, juin-juillet 2004), Andreas März, journaliste et oléiculteur en Toscane, affirme que 90% des huiles italiennes «vierges extra» sont au mieux «vierges». Il lance un appel aux industriels pour qu’ils renoncent à l’«extra», qui devrait être réservé à des oléiculteurs prêts à tous les sacrifices pour produire une huile réellement haut de gamme. Et digne de son prix!