Dans notre pays, l’accessibilité aux WC publics correspond à des normes assez précises: pour chaque paire de WC, l’une au moins doit être accessible aux chaises roulantes. Une norme qui a force de loi dans certains cantons, alors qu’elle n’est qu’une recommandation dans d’autres, comme dans le canton de Vaud. «Dans l’ensemble, ces prescriptions sont bien suivies, constate Monique Richoz, présidente de Pro Infirmis Vaud. En tout cas dans les nouveaux bâtiments et ceux ayant subis une réfection.»
Seulement voilà. Les meilleures intentions ne suffisent pas. Concevoir des WC aux normes recommandées est une chose. Les entretenir en est une autre. Amélie Borloz et Germaine Imhof le savent bien. Elles sont toutes deux handicapées, mais refusent que cela les pénalise aussi sur le plan social. Elles militent donc assidûment – le mot est faible – au sein de l’Association vaudoise pour l’accessibilité de la construction aux handicapés (AVACAH). Partout où un nouvel établissement ouvre ses portes, elles vont le mettre à l’épreuve de leur canne et de leur chaise roulante. Et partout où elles ne peuvent déambuler à égalité avec des personnes valides, elles demandent les explications au plus haut niveau.
Anticiper le besoin
«Il est vrai, constate Amélie Borloz, que de nombreux progrès ont déjà été faits. Mais les architectes ont encore beaucoup de peine à anticiper les besoins d’une personne handicapée. Ils vont par exemple prévoir deux magnifiques WC spécialement équipés au Casino de Montbenon, à Lausanne; mais comment y accéder lorsqu’il y quatorze marches qui séparent la salle principale des sanitaires? Et même ici (réd.: nous sommes à l’hôtel Ibis, à Crissier), où nous sommes déjà contentes de trouver un WC «handicapé» accessible par ascenseur, la porte s’ouvre à l’intérieur, ce qui est parfaitement illogique.»
Les architectes ne sont cependant pas seuls en cause. Les personnes valides ont parfois une attitude qui frise l’égoïsme. Ainsi en va-t-il de tous ceux qui garent systématiquement leur véhicule sur les places réservées aux conducteurs handicapés: «C’est toujours “juste pour quelques secondes”», commente Germaine Imhof. Idem pour les toilettes: «Vous n’imaginez pas, ajoute Amélie Borloz, le nombre d’usagers parfaitement valides qui en sortent tandis que nous attendons de longues minutes dehors. Sans parler de toutes les fois où ils nous les rendent dans un tel état qu’il faut commencer par les nettoyer avant de les utiliser... A la longue, ce genre d’attitude a tendance à nous rendre un peu agressives.»
Las d’attendre une réelle conscientisation, un groupe d’usagers a donc pris les devants et tente de régler au moins le problème des WC avec un système ingénieux: l’EURO-clé. Il s’agit d’un cylindre à poser sur toutes les toilettes pour personnes handicapées, que l’on peut ouvrir avec une clé, unique et fonctionnelle dans toute l’Europe. Il ne reste ensuite plus qu’à se procurer la liste – remise à jour tous les trois mois – des locaux ainsi équipés.
Projet à visée européenne, ce système connaît déjà un joli succès dans les pays nordiques ainsi qu’en Suisse alémanique. La Suisse romande, en revanche, est en retard: à la fin de l’année dernière, seules 19 installations étaient répertoriées (sur 160 en Suisse). «Si l’Euro-clé ne provoque pas de raz de marée, commente Monique Richoz, c’est parce que les usager ne veulent pas être dépendants d’une clé, mais souhaitent des WC ouverts, comme pour le grand public.» Elle, cependant, n’en démord pas: «L’idée est bonne: elle facilite la vie des personnes handicapées et leur assure une certaine autonomie.»
M. A. et C. C.
Coordination EURO-clé: Hans
Rudolf Haegi, 8910 Affoltern
( (01) 763 70 65.
guide
La culture pour tous
La culture est et doit rester l’affaire de tous. Mona Magnenat, Marie-Claude Abbé et Jacques Morand en sont convaincus. Ces trois Genevois se déplacent en chaise roulante de musées en théâtres, de bibliothèques en salles de spectacle. Mais voilà, de nombreux établissements sont peu ou mal accessibles. Ils décident donc de fonder un groupe (*) pour réagir contre cette situation et faire bouger les choses, avec déjà de jolis succès à la clé. Parallèlement, il se lancent aussi dans une récolte impressionnante d’informations qui a récemment abouti à l’édition d’un petit guide très bien fait, résumant l’accessibilité de 55 lieux culturels genevois aux personnes handicapées: accès extérieur, parking, entrée, toilettes... A l’intérieur du dépliant: un plan où sont aussi indiqués tous les parkings de la ville avec le nombre de places réservées aux personnes handicapées.
De leur côté, plus de 40 organisations ont lancé une initiative populaire en faveur des personnes handicapées. L’exigence d’une construction adaptée est l’une de ses principales revendications. En moins de cinq mois, 108 000 signatures ont d’ores et déjà été récoltées. La campagne se poursuit cependant. On peut demander des listes auprès de l’association spécialement constituée pour la circonstance (**).
(*) Association Rolling Force, 1 Place de l’Octroi, 1227 Carouge((022) 342 58 60.
(**) Association initiative populaire en faveur des personnes handicapées, CP 8647, 3001
Berne ((031) 398 50 30.