Vous voulez connaître l’identité de celui qui bloque l’entrée de votre garage? Rien de plus simple: il suffit d’un coup de fil à votre service des automobiles ou au 111 qui vous indiquent le nom du propriétaire de la voiture immatriculée XX XXX. Et vous trouverez dans presque tous les cantons un répertoire des détenteurs de plaques d’immatriculation.
Pour des raisons de protection des données, ce libre accès aux adresses des conducteurs pourrait cependant disparaître au siècle prochain. Et le 111 cessera de fournir ces renseignements dès le premier janvier prochain.
D’ailleurs, tout le monde n’a pas envie de pouvoir être identifié si aisément. Ce que l’on peut comprendre dans certains cas, comme celui de Nicole Troillet, habitant près de Lausanne: «C’était un jour – j’avais alors 14 ans – où
j’étais allée en ville avec ma mère. Après avoir fait quelques achats, nous avons bu quelque chose. Ma mère a alors remarqué un homme dans la trentaine qui ne cessait de me regarder. Peu après, de retour à la maison, le téléphone sonna: «Bonjour Madame. Je vous ai vue toute à l’heure dans un café à Lausanne avec votre fille qui est très jolie, et j’aimerais savoir si elle accepterait une invitation à souper.»
L’homme avait simplement suivi mère et fille jusqu’à leur voiture, relevé le numéro de plaques et appelé le service des automobiles pour obtenir le nom du conducteur.
«Ce genre d’histoires arrive bien sûr, et plus fréquemment encore depuis l’arrivée du Natel, commente Jean-Jacques Rège, chef du Service des automobiles à Lausanne. Toutefois, ce répertoire n’est pas davantage utilisé abusivement que d’autres annuaires.» Quant à ceux qui craignent une ingérence dans leur vie privée, ils peuvent demander à ne plus figurer dans l’index (voir encadré).
n Opposition
Le projet de nouvelle loi de la circulation prévoit la suppression de ce répertoire. Mais une majorité de cantons et de nombreuses associations se sont exprimées contre une telle interdiction de publication. Sans cet index, la responsabilité de ces renseignements incomberait aux services des automobiles. Pour l’Argovien Viktor Erni, président de l’Association des services des automobiles, ce serait problématique: «Si nous devions décider, pour chaque cas, s’il convient oui ou non, de donner le renseignement, nous ne pourrions accepter que des demandes écrites. On imagine facilement le travail que cela impliquerait.»
Repérer les chauffards
D’autres se demandent si la protection des données ne devrait pas céder la place à d’autres intérêts tout aussi importants. Ainsi, le con- seiller d’Etat zurichois Thomas Büchi a rappelé, lors d’un débat sur les chauffards mettant en danger d’autres usagers: «Les voyous des routes trouvent certainement commode que leur numéro de plaque ne puisse être retrouvé dans un registre.» Jean-Jacques Rège est également persuadé de l’utilité du répertoire, notamment pour les responsables de parkings et autres commerçants qui voient parfois leurs places de parc utilisées abusivement.
Reste que le canton du Jura a supprimé ce registre depuis cinq ans déjà, sans que cela semble avoir posé un problème majeur.
MODES DE FAIRE
D’un canton à l’autre
Tout le monde peut demander à ne plus figurer dans le répertoire des détenteurs de véhicule. Dans le canton de Vaud, une simple demande écrite au service des automobiles suffit pour faire biffer son nom du registre. «C’est par vagues, quand la presse informe de cette possibilité, que les gens nous font cette demande, qui est d’ailleurs tout à fait légitime, sourit Jean-Jacques Rège. Sinon, nous comptons environ une à deux demandes du genre par semaine.»
Ailleurs, l’automobiliste qui souhaite garder l’anonymat peut avoir plus de difficultés: dans le canton de Soleure, une demande n’a une chance d’aboutir que si le conducteur peut prouver que... sa vie est en danger.
Moins de difficultés pour les Bernois, si bien que déjà 15% des automobilistes du canton ont fait biffer leurs coordonnées en écrivant simplement un petit mot au service des autos. Il ne se trouve, en revanche, que 6000 Zurichois (sur 650 000 adresses) à en avoir fait de même, mais ils sont toujours plus nombreux à y songer. Et «comme l’index est de plus en plus lacunaire et ne nous a jamais rapporté d’argent, nous renoncerons à le publier l’année prochaine», conclut Hans-Peter Truttmann, du service des automobiles zurichois.