Le 1er janvier 2001, la première révision de la LAMal autorisait les pharmaciens à proposer un générique (copie du médicament original), pour autant que le médecin ne s’y oppose pas. Un mois plus tard, Bon à Savoir et On en parle (RSR) avaient enquêté conjointement, afin de déterminer si les pharmacies romandes faisaient valoir ce droit. Or, une officine seulement, sur les vingt visitées, avait proposé spontanément une copie.
Marcel Mesnil, secrétaire général de la Société suisse des pharmaciens (SSPH), avait alors demandé un peu de patience: «Vous arrivez trop tôt, avait-il déclaré. Je prends le pari que si vous menez la même enquête dans un an, les résultats seront plus probants.»
Deux ans après
Le mois dernier, les mêmes enquêteurs l’ont pris au mot et ont réitéré l’expérience. Ils ont visité quarante officines, choisies arbitrairement dans les six cantons romands et bernois, en présentant une ordonnance pour du Voltaren 50.
Résultats? Deux pharmaciens seulement ont d’entrée de jeu proposé une copie du médicament original. Le résultat reste donc identique à celui de février 2001!
«J’aurais évidemment préféré apprendre que tous mes confrères proposent spontanément un générique, commente Marcel Mesnil. Mais le problème c’est que cela leur prend beaucoup de temps d’expliquer les bénéfices des génériques, de vaincre les résistances puis, comme la loi l’exige, de contacter le médecin après avoir vendu un médicament différent de celui prescrit.»
Refus des patients
A l’époque de notre première enquête, les pharmaciens disaient avoir peur de contrer le médecin. Mais ils avouent aujourd’hui, après avoir souvent tenté de convaincre les consommateurs, être fatigués du refus presque systématique de ces derniers.
Dorénavant, ils s’en tiennent donc à l’ordonnance. Un revirement d’autant plus facile qu’il faut dix bonnes minutes pour convaincre quelqu’un et que les files d’attente s’allongent...
Les officines visitées possèdent néanmoins toutes un stock plus ou moins large de copies, à disposition sur demande de l’acheteur. A Neuchâtel, trois pharmacies sur cinq ont même apposé une affichette sur leur porte, encourageant les clients à demander un générique.
«Nous sommes déçus de la réaction des clients, qui estiment payer assez de cotisations pour ne pas avoir à s’inquiéter du prix du médicament. Ils ne réalisent pas que cela fait justement augmenter les coûts», souligne une pharmacienne lausannoise. Mais même les patients qui doivent payer de leur poche boudent les copies, pensant à tort qu’elles sont de qualité moindre.
Pourtant, tout est en place pour bien faire. Tous les pharmaciens visités nous ont en effet donné des explications précises lorsque nous leur avons demandé de substituer le médicament original par un générique. Ils possédaient tous une liste, souvent informatique, des copies de leurs composants et leur prix. Et la plupart d’entre eux endossaient même la responsabilité de cette substitution, deux seuls annonçant qu’ils devaient téléphoner au médecin pour lui demander l’autorisation.
Le rôle du médecin
Les pharmaciens sont aussi tous d’accord sur un point: c’est au médecin de sensibiliser les patients aux génériques. Mais la Fédération des médecins suisses (FMH) ne semble pas concernée et préfère éviter la question: «Votre enquête a été effectuée avec une spécialité de la liste C ne nécessitant aucune prescription médicale, nous écrit Max Giger, médecin et membre de la FMH. Elle ne couvre donc pas les vraies questions concernant la substitution des spécialités figurant sur la liste des spécialités (LS) prescrites par les médecins.» C’est tout, et c’est peu.
Des médecins qui se dérobent, des pharmaciens lassés, des clients trop attachés à leurs habitudes... Visiblement, les génériques ne sont pas près de prendre la place qu’ils méritent!
Véronique Kipfer-Egloff