Il s’est fait très discret sur les routes suisses, mais n’en reste pas moins le seul engin motorisé qu’un ado peut conduire dès 14 ans: le vélomoteur est, par conséquent, le premier deux-roues à moteur susceptible de mettre une jeune vie en danger. Le témoignage d’une lectrice nous le rappelle de façon dramatique: son fils, âgé de 14 ans, se remet lentement des suites d’un grave accident survenu alors qu’il roulait sur son vélomoteur.
Début septembre, l’adolescent jurassien achève de retaper un vieux Maxi Puch. Bravant l’interdiction parentale, il l’enfourche et prend la route alors qu’il n’a pas encore le permis. Débouchant d’un chemin privé, il est violemment heurté par une voiture. Bilan: clavicule cassée et fractures ouvertes multiples aux deux jambes. Ce n’est que deux mois plus tard qu’il pourra recommencer à marcher, après des semaines d’immobilité et de dépendance totale.
Vente punissable
On peut pourtant parler de chance: «Aujourd’hui encore, je ne sais pas par quel miracle mon fils est en vie», dit sa mère. Car le garçon n’avait pas dit à ses parents qu’il avait équipé son vélomoteur d’un «kit cylindre», un jeu de pièces portant la vitesse de l’engin à plus de 100 km/h, alors que sa vitesse est limitée à 30 km/h. Heureusement, l’accident ne s’est pas produit à une telle vitesse: un vélomoteur, en raison de la géométrie de son cadre et de la faible puissance de ses freins, n’est pas conçu pour y faire face.
Le drame rappelle que le «maquillage» de vélomoteurs est potentiellement mortel. Et prohibé: la loi interdit en effet toute modification de cyclomoteur, et rend punissables non seulement ceux qui passent outre, mais aussi ceux qui mettent sur le marché ce genre de kits (articles 181 et 219 de l’Ordonnance sur les exigences techniques requises pour les véhicules routiers, OETV).
Avertissement bidon
Un interdit légal régulièrement rappelé par l’Union suisse des marchands de cycles et motocycles (USMCM): «Chaque commerçant devrait être pleinement conscient du fait qu’il est interdit de modifier un véhicule. Certains semblent croire qu’il est permis de vendre des pièces permettant d’augmenter la vitesse. Mais tel n’est pas le cas.» (Journal Deux-roues, octobre 2001).
Certains marchands assortissent la vente illicite d’un «avertissement» selon lequel l’usage des véhicules transformés est réservé aux circuits de course. «Pure manœuvre bidon», a tranché le Tribunal fédéral, dans le cadre du recours déposé par un marchand condamné: il n’y a aucune course de vélomoteurs en Suisse...
«C’est un business très difficile à éradiquer, surtout dans les zones frontalières, où les marchands se disent qu’en cas de refus de leur part, leurs jeunes clients n’ont qu’à traverser la frontière pour obtenir ce qu’ils cherchent!», relève Francesco Oddo, mécanicien et marchand de cycles à Lausan-
ne. On pourrait penser qu’il s’agit de toute façon d’un combat d’arrière-garde, le boguet sombrant peu à peu dans les oubliettes. Mais leurs successeurs, les scooters de 50 cm3, accessibles dès 16 ans, sont aussi touchés par le phénomène. Et dès le 1er avril, leur vitesse ne sera plus légalement limitée à 45 km/h comme actuellement. Maquillés de série, en somme... Sera-ce suffisant pour dissuader les jeunes de tenter des bricolages supplémentaires? Les professionnels en doutent. Probablement à raison.
Blaise Guignard
ados à deux-roues
Un groupe très exposé
• En 2001, le vélomoteur a fait 140 blessés parmi les conducteurs âgés de 14 ans. C’est beaucoup pour un engin que d’aucuns croient disparu dans les limbes du souvenir. Quant aux statistiques sur les ados de 16 à 18 ans roulant en scooter 50 cm3, elles sont terrifiantes: de 12 blessés graves sur un total de 37 accidentés en 1992, on est passé à 115 blessés graves sur 538 accidentés en 2001. Une progression que la seule augmentation du nombre de jeunes motards ne suffit pas à expliquer.
• En cas d’accident impliquant un deux-roues maquillé, les conséquences financières et pénales peuvent être graves: la justice peut poursuivre le conducteur pour avoir bravé l’interdiction de modifier son engin, tandis que l’assurance accidents et l’assurance RC sont en droit de refuser toute prise en charge pour «faute grave».
• Le fils de notre lectrice a donc eu de la chance: la police a renoncé à toute poursuite, tandis que l’assureur accidents acceptait une prise en charge à titre exceptionnel. Et les dégâts à l’autre véhicule seront couverts par un fonds de solidarité.